Retrouvez sur cette page toutes les homélies du père Jacques de Longeaux, curé de la paroisse Saint-Pierre du Gros-Caillou.
Dimanche 23 avril 2023
Les récits évangéliques des apparitions de Jésus ressuscité rapportent les témoignages des apôtres. Ils reflètent la prédication de la première communauté chrétienne. Ils nous sont destinés pour qu’à notre tour nous croyions à la réalité de la résurrection.
C’est ainsi que le récit des disciples d’Emmaüs que nous venons d’entendre s’achève par une profession de foi, sans doute l’une des toutes premières formulées par l’Eglise naissante : “Le Seigneur est réellement ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre”. Toute la doctrine de la foi, tous les articles du Credo que nous proclamons chaque dimanche sont contenus dans cette formulation première dont chaque mot est important.
On trouve chez saint Paul dans la première épître aux Corinthiens une profession de foi semblable, un peu plus développée : “Avant tout, je vous ai transmis ceci que j’ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Ecritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Ecritures, il est apparu à Pierre puis aux Douze” (1 Co 15, 3-5). Saint Paul poursuit en mentionnant d’autres apparitions.
La foi en Jésus ressuscité est le fondement de tout l’édifice du Christianisme. Elle repose sur le témoignage de celles et ceux qui l’ont vu vivant après sa crucifixion et sa mise au tombeau. Leur témoignage est crédible. Ils n’ont pas été les victimes d’une hallucination individuelle ou collective. Ils n’ont pas pu inventer cette histoire dans une espèce d’effervescence mystique, ou de contagion psychologique, comme cela arrive parfois. Ils ont encore moins pu inventer froidement cette histoire pour mystifier les juifs et les romains. Si cela avait été le cas, si l’histoire de la résurrection avait été inventée de toutes pièces, elle se serait vite dégonflée avec le temps et les persécutions.
Jésus reproche aux deux disciples d'Emmaüs leur manque de foi. Il ne leur reproche pas de ne pas avoir cru au témoignage des femmes et des apôtres qui ont vu le tombeau vide et l’ange qui annonçait que Jésus est vivant. Il leur reproche de ne pas croire aux Écritures, de ne pas avoir compris que selon les Ecritures, comme le dit saint Paul, il fallait que le Messie souffrît pour entrer dans sa gloire. Ils espéraient que Jésus, qu’ils voyaient comme “un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple” allait délivrer Israël des romains et de leurs collaborateurs impies. Au lieu de cela, Jésus s’est laissé prendre. Il a été jugé et crucifié de manière expéditive sans que Dieu soit intervenu. Ce qui les conduit à penser qu’ils se sont trompés, qu’ils ont été trompés, que ce Jésus n’était après tout pas un envoyé de Dieu. Sinon, Dieu l’aurait soutenu, défendu. Bref : ils butent sur le scandale de la Croix. C’est de cela qu’ils s’entretiennent en marchant sur la route, tout sombres, déprimés.
Jésus leur ouvre les Écritures. C’est une très belle expression qu’emploie saint Luc. Jésus les éclaire sur le sens profond de la Loi, des Prophètes et des Psaumes. Il leur montre que la Bible annonce la venue d’un messie souffrant, rejeté, humble qui est accrédité par Dieu dans l’acte de le relever d’entre les morts pour le faire entrer dans sa gloire.
Nous avons entendu en première lecture un extrait de la prédication de Pierre le jour de la Pentecôte. Il cite quelques versets du psaume 16. Il montre que ce qui est dit : “tu ne peux m’abandonner au séjour des morts ni laisser ton fidèle voir la corruption”, cela ne peut pas s’appliquer à David, auteur du psaume, mais que David, inspiré par Dieu, parle au nom de Celui qui doit venir, le Christ. Son chant annonce la résurrection de Jésus, fils de David. Ce discours de Pierre est exemplaire de la première prédication chrétienne, de la première exégèse chrétienne. Toute la Bible parle de Jésus. L’Ancien Testament préfigure, annonce sa venue et dispose à le recevoir. Le Nouveau témoigne de sa venue et de l'accomplissement de sa mission.
Il n’est pas facile de croire en la résurrection. Nous nous reconnaissons peut-être dans ces deux disciples dont le cœur est lent à croire. Demandons la grâce d’avoir nous aussi un cœur brûlant. Que le Seigneur brûle nos cœurs du feu de l’Esprit lorsque nous lisons l'Écriture. Que la résurrection de Jésus devienne un événement réel pour nous qui marque vraiment notre existence. Et que par la foi nous ayons la vie.
P. Jacques de Longeaux
Dimanche 16 avril 2023 : Dimanche de la Miséricorde
“La paix soit avec vous”. A trois reprises Jésus ressuscité salue ses disciples par ces mots. Ils prennent tout leur sens si l’on se rappelle qu’au cours de la Passion tous les disciples - à l’exception de Jean - ont abandonné Jésus et que Pierre l’a renié trois fois. La vue de Jésus vivant a de quoi les stupéfier et les inquiéter. Mettons-nous à leur place. Nous sommes le soir du premier jour de la semaine (le dimanche soir). Les événements tragiques de l’arrestation, du procès et de la crucifixion de Jésus datent de moins de trois jours. Les disciples n’avaient pas compris ce que Jésus voulait dire lorsqu’il leur annonçait qu’il ressusciterait le troisième jour. Pour le moment, ils sont enfermés dans un lieu caché car ils ont peur de subir le même sort que leur maître.
Or, voilà que Jésus en personne se tient au milieu d’eux. On comprend qu’ils puissent être “saisis de frayeur et de crainte” comme le rapporte saint Luc (Lc 24, 37). Mais aussi, selon saint Jean, ils “furent remplis de joie en voyant le Seigneur” (Jn 20, 20). La salutation : “La paix soit avec vous” leur a procuré paix et consolation. Ils ont reconnu Jésus en voyant les plaies de ses mains et de son côté : c’est bien lui qui a été cloué au bois de la Croix qui est là, vivant, au milieu d’eux. Il ne leur adresse aucun reproche, il leur donne la paix, sa paix. Même à Thomas, Jésus ne reproche pas son refus de croire sans avoir vu. Il ne l’accuse pas, il ne le condamne pas : il l’appelle à la foi. A travers Thomas, Jésus nous appelle, nous aussi, à croire sans voir, en faisant confiance au témoignage des saintes femmes et des apôtres que l’Eglise a transmis fidèlement jusqu’à nous.
La salutation de Jésus est l’expression de sa miséricorde. Il connaît la faiblesse humaine, il sait que l’esprit est ardent mais que la chair est faible. Sa parole est un pardon, une absolution. Aux hommes faibles et pécheurs, Jésus dit : “la paix soit avec vous”. Il ne revient pas sur les événements passés, il tourne ses disciples vers l’avenir : “De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie”. Et il leur insuffle l’Esprit qui leur donnera la force nécessaire pour être ses témoins fidèles. Par la miséricorde de Dieu ils seront guéris de toute peur, libérés de toute lâcheté. Ils témoigneront jusqu’au martyre.
Ayant bénéficié de la miséricorde divine, les disciples seront à leur tour les porteurs de la miséricorde : “ À qui vous remettrez les péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus.” Ici surgit une question : Pourquoi Jésus évoque-t-il la possibilité de maintenir les péchés ? Serait-ce une limite à sa miséricorde ? Certainement pas. La miséricorde divine est sans limite. Mais encore faut-il que nous soyons disposés à la recevoir et que nous la recevions avec fruit. Le pardon des péchés suppose que nous reconnaissions le mal que nous avons commis, que nous le regrettions, que nous soyons résolu à ne pas recommencer. Le pardon de Dieu est à la fois gratuit, toujours offert et exigeant. Il nous engage à rejeter le mal et à faire le bien ; à réparer autant que possible les dégâts que nous avons faits ; à pardonner à notre tour à ceux qui ont des torts envers nous (nous savons que ce n’est pas facile, c’est pourquoi nous en demandons à Dieu la grâce à chaque fois que nous prions le Notre Père). “Maintenir les péchés”, ce n’est pas condamner définitivement : c’est œuvrer pour que les conditions d’un authentique accueil du pardon soient prochainement réunies.
La résurrection de Jésus est la plus grande œuvre de la miséricorde divine à notre égard. C’est pour nous, pour notre salut que Jésus est mort et ressuscité. Il a traversé la souffrance et la mort pour qu’à sa suite nous puissions entrer dans la Vie. Comment ne pas être transportés de joie ! Comment ne pas louer la miséricorde divine ! Comment notre vie n’en serait-elle pas transformée ! Demandons à Dieu de croire vraiment à la réalisation des promesses, de croire vraiment que la mort est vaincue. Ce n’est pas un rêve ! La résurrection de Jésus est bien réelle, plus réelle que tout ce que nous appelons réalité. L’espérance chrétienne dépasse tous les rêves.
“Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ : dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts” (2eme lecture). Cette renaissance, œuvre de la miséricorde divine, est celle du baptême. Elle découle directement du cœur ouvert du Ressuscité. Nous rendons grâce ce dimanche pour les baptisés de Pâques. Nous partageons leur joie. Ils participent à la messe revêtus de leur vêtement blanc. Que leur exemple nous aide à reprendre conscience de la grâce de notre baptême et de notre confirmation. Qu’elle porte dans nos vies et dans le monde un fruit abondant de justice et de miséricorde.
P. Jacques de Longeaux .
Samedi 8 avril 2023 : Vigile Pascale
Dans quelques instants, je vais avoir la joie de vous baptiser, Hélène. Non seulement de vous baptiser, mais aussi de vous confirmer et de vous admettre pour la première fois à communier au Corps du Christ. Vous recevrez cette nuit en une seule fois les trois sacrements de l’initiation chrétienne, baptême et confirmation, eucharistie. C’est la raison pour laquelle le baptême d’adulte, ordinairement célébré pendant la Vigile pascale, est précédé d’un long temps de catéchèse et de préparation. Votre itinéraire fut marqué par plusieurs étapes liturgiques depuis l’accueil de votre demande de baptême. À votre entrée en catéchuménat vous êtes devenue officiellement membre de l'Eglise, comme catéchumène. Au début du Carême a pris place l’appel décisif par notre archevêque puis, les troisième, quatrième et cinquième dimanches de Carême vous avez célébré les scrutins. Vous avez dit votre décision d’avancer sur la voie de l’amour de Dieu et du prochain en rompant avec le mal sous toutes ses formes ; vous avez choisi de suivre le Christ et de vous mettre à son école ; comme lui, vous voulez en toutes circonstances chercher la volonté de Dieu le Père. Le Credo et le Notre-Père vous ont été remis pour que vous puissiez les dire à votre tour, en communion avec tous les baptisés.
Si vous avez fait ce choix de mener votre vie à la lumière du Christ, c’est que vous avez découvert que ce chemin est celui qui rend réellement libre sur terre et conduit jusqu’au bonheur de la vie éternelle. Dans le passage de l’épître aux romains que nous avons entendu, saint Paul enseigne que par le baptême nous sommes unis à la mort du Christ afin d’avoir part à sa résurrection. C’est pourquoi la nuit de Pâques, où retentit la joyeuse nouvelle de Jésus ressuscité, est le moment le plus approprié, le plus signifiant, pour célébrer les baptêmes. “Si donc par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui - écrit saint Paul - c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts”.
De quelle mort, de quelle vie nouvelle s’agit-il ? De la mort au vieil homme, comme l’appelle saint Paul, celui qui est incapable d’aimer en vérité car il est dominé par ses convoitises, fermé sur soi, enfermé en soi ; de la vie nouvelle dans l’Esprit que Dieu nous communique. Le baptême est une renaissance. L’homme ancien y est enseveli, l’homme nouveau y prend vie. Nous croyons au Dieu vivant qui nous libère de toutes les forces de mort et nous donne la vie pour laquelle il nous a créés. Si le Père a envoyé le Fils parmi nous jusqu’à devenir l’un de nous c’est pour que celui-ci traverse en notre faveur la souffrance et la mort et nous ouvre le chemin de la vie.
Nous croyons que la vie éternelle, la vie de ressuscité, est commencée en nous depuis le jour de notre baptême - commencée mais pas encore pleinement réalisée. Dans plusieurs paraboles Jésus emploie l’image de la semence. Le jour de notre baptême - que nous ayons été baptisés nouveau-né, enfant ou que nous le soyons adulte - la vie nouvelle - la vie de l’homme nouveau - a été implantée en nous comme une graine en terre. Une graine est une toute petite chose, presque invisible dans le sol. Pourtant elle possède une étonnante puissance de vie. Celle-ci n’attend que des conditions favorables pour que la plante, présente en germe, se déploie, se développe, grandisse et atteigne sa taille adulte. De même, la grâce du baptême et de la confirmation – la libération du péché et le don de l’Esprit - est un germe de vie nouvelle qui ne demande qu’à s’exprimer, à se déployer, pour que nous devenions pleinement ce que Dieu veut que nous soyons.
Je vous souhaite, Hélène, que la grâce de votre baptême produise un fruit abondant de charité et de vie, qu’elle ne reste pas sans effet. Je nous souhaite à tous de reprendre conscience, cette nuit, de la grâce de notre baptême. Nous allons faire notre profession de foi baptismale et être aspergés d’eau bénite en souvenir de notre baptême. Demandons la grâce de la fidélité au don que nous avons reçu et qu’il nous appartient de faire fructifier. Nous devons coopérer activement à l'œuvre de Dieu dans nos vies. Certes, c’est Dieu seul qui donne le salut et la vie, mais il ne le fait pas sans nous. Il suscite notre libre coopération et il fait que nos actions soient efficaces. L’Eucharistie que vous allez recevoir, Hélène, est la nourriture dont nous avons tous besoin pour que notre vie avec le Christ et la communion entre nous grandisse, s’affermisse, produise du fruit.
Oui, le Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité. Le tombeau est vide, la mort n’a pu retenir dans ses griffes le Prince de la vie, les portes de la vie éternelle nous sont ouvertes, le chemin qui y conduit nous est tracé. Rendons grâce à Dieu pour ce qu’il accomplit en notre faveur. Que notre joie témoigne de notre foi.
P. Jacques de Longeaux
Jeudi 6 avril 2023 : Jeudi saint
Le dernier repas de Jésus avec ses disciples est celui de la Pâque. Ce repas, dans la tradition juive, commémore l’événement fondateur de l’identité et de l’histoire d’Israël : la sortie hors d’Egypte, le passage de la mer rouge à pied sec et la libération de l’esclavage pour être un peuple consacré à Dieu. Nous avons entendu en première lecture le récit de l’institution du repas pascal destiné à faire mémoire de génération en génération, jusqu’à aujourd’hui, de ce haut fait de Dieu en faveur de son peuple. Jésus pratique les rites du repas pascal mais leur donne une signification nouvelle. Le pain rompu et la coupe partagée annoncent ce qui va se passer le lendemain, vendredi, et en donnent la signification. Jésus va être mis à mort par crucifixion : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul, mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24). Ce fruit abondant ce sont les grains dont on fait le pain. Jésus se donne en nourriture pour que nous ayons la vie : « Je suis le pain vivant descendu du ciel. Qui mangera de ce pain vivra à jamais » (Jn 6, 51). Jésus versera son sang sur la Croix. Ce sang est celui de l’alliance nouvelle et éternelle annoncée par les prophètes. Comme les grains de blé broyés donnent le pain de la vie, les grappes de raisin pressées, symbole du sang versé, donnent le vin des noces. Jésus rend grâce. Il rend grâce au Père dans l’Esprit pour la merveille de la création - pour le blé, pour la vigne - et pour la merveille plus grande encore de la rédemption accomplie par sa mort et sa résurrection. Le mot « Eucharistie », l’un de ceux par lesquels nous désignons la messe, veut dire « action de grâce ». À chaque messe nous sommes invités à entrer dans l’action de grâce de Jésus. Ainsi la dernière Cène anticipe-t-elle la mort et la résurrection de Jésus et en donne la signification. Jésus fait davantage, il commande à ses disciples : « faites cela en mémoire de moi ». Saint Paul explique (2eme lecture) : « Ainsi donc, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne ». Nous connaissons bien ces paroles que nous disons ou chantons tous ensemble dans la prière eucharistique après la consécration au moment de l’anamnèse. L’Eglise, fidèle au commandement du Christ se rassemble chaque dimanche et même chaque jour et redit par le ministère du prêtre les paroles de Jésus, elle refait ses gestes. Ce faisant l’Eglise en tous lieux et en tous temps fait mémoire de la mort et de la résurrection de Jésus, non pas comme d’un événement passé dont il ne faudrait pas laisser le souvenir se perdre, mais comme d’un événement dont la puissance de vie et de libération, de guérison et de communion est toujours actuelle et nous rejoint aujourd’hui. C’est pourquoi nous croyons que le pain et le vin consacrés ne sont pas de simples signes. Ils deviennent réellement le corps et le sang de Jésus, corps livré, sang versé. Autrement dit, nous croyons que l’unique sacrifice de la Croix est rendu réellement présent à chaque célébration eucharistique afin que nos personnes et nos vies soient unies à l’offrande d’amour que Jésus a faite, une fois pour toutes, de sa personne et de sa vie pour le salut du monde. C’est ce que manifeste le geste du lavement des pieds. Jésus prend la place du serviteur et commande à ses disciples de suivre son exemple. Tous ceux qui communient au corps du Christ doivent accorder leur vie à ce qu’ils célèbrent, au don qu’ils reçoivent. Jésus donne sa vie pour nous. Nous qui communions à sa personne nous devons à notre tour être serviteurs les uns des autres. Cela ne veut pas dire s’écraser ou refuser les responsabilités, mais servir le bien de notre prochain, quel qu’il soit, et servir le bien commun, en n’oubliant pas que le bien humain n’est pas uniquement matériel et terrestre – santé et bien-être – mais aussi spirituel et céleste. À certains la messe paraît ennuyeuse. Beaucoup disent regretter de ne plus avoir le temps d’y participer. Sans doute la messe est-elle ennuyeuse si l’on cesse d’y aller régulièrement. On comprend alors de moins en moins le sens des paroles dites et des rites accomplis. Peut-être aussi que tout ce qui est sérieux et profond, tout ce qui construit, tout ce qui demande un effort et une participation paraît aujourd’hui un peu ennuyeux. Nous sommes happés d’un côté par le travail, de l’autre par les loisirs, les distractions, les occupations, les écrans. C’est pourquoi beaucoup n’arrivent plus à prendre du temps pour la prière, le silence, le recueillement la lecture de la Bible… et la messe. Plus de temps pour Dieu, pour ce qui compte vraiment. Demandons la grâce de vivre la messe comme une rencontre avec le Dieu vivant qui nous adresse la Parole dans les lectures ; à qui nous répondons en professant notre foi et en lui adressant nos intentions de prière ; qui nous communique sa vie dans la communion au corps et au sang du Christ. Rencontre aussi avec nos frères et sœurs assemblés. Nous communions au même corps du Christ pour former une communauté fraternelle et missionnaire. P. Jacques de Longeaux
Dimanche 02 avril 2023 : Rameaux
A venir.
Dimanche 19 mars 2023
Homélie du dimanche 19 mars 2023 4eme dimanche de Carême
Les évangiles des dimanches de Carême sont les étapes d’un chemin qui nous conduit jusqu’à Pâques. Ce chemin est catéchuménal. Il mène les catéchumènes jusqu’à la célébration de leur baptême au cours de la Vigile pascale ; il prépare les baptisés au renouvellement de leurs promesses baptismales.
Quelle grâce avons-nous reçue ou recevrons-nous le jour de notre baptême ? Nous avons reçu le don de l’Esprit-Saint aux sept dons.
L’Esprit-Saint est l’eau vive qui devient en nous source jaillissant en vie éternelle que Jésus promet à la femme de Samarie (évangile de dimanche dernier).
L’Esprit-Saint est la lumière qui nous éclaire, qui nous rend clairvoyants, qui dissipe la part obscure de notre existence : c’est la leçon principale du récit de la guérison de l’aveugle-né que nous venons d’entendre.
Le lien de cette guérison avec le baptême est explicite. Jésus, après avoir enduit les yeux de l’aveugle avec un mélange de terre et de salive. Saint Jean précise que ce nom de Siloé signifie « envoyé ». La boue rappelle la glaise avec laquelle le Créateur a façonné Adam : le baptême est une nouvelle création. « Se laver dans la piscine » annonce la régénération par le bain du baptême. « Siloé » laisse entendre que le baptisé est appelé à être un témoin, un envoyé.
Le miracle de la guérison de l’aveugle-né signifie que Jésus est venu nous guérir de notre cécité spirituelle.
Tris choses sont nécessaires pour voir : de la lumière ; des yeux pour voir ; quelque chose à voir.
Jésus se présente comme la lumière du monde : « Aussi longtemps que je suis dans le monde je suis la lumière du monde », avons-nous entendu de sa bouche. Comment le comprendre ? Jésus est celui qui nous éclaire sur Dieu – que Dieu est Amour en Lui-même, qu’il est Trinité. Il nous révèle en vue de quoi Dieu nous a créés : pour avoir part à sa vie et à sa joie. C’est lui aussi qui nous ouvre le chemin pour atteindre cette plénitude, ce bonheur véritable. Il est la lumière qui nous guide comme un phare dans la nuit. Il chasse l’obscurité du péché comme le soleil levant dissipe les ombres de la nuit. C’est pourquoi saint Paul, dans la deuxième lecture, nous exhorte à vivre en enfants de lumière.
Il ne suffit pas de la lumière pour voir, encore faut-il que nous ayons des yeux. La tradition spirituelle a développé la notion des sens spirituels. Les cinq sens physiques ont leurs correspondants dans l’âme : la vue, l’ouïe, le toucher, le goût et même l’odorat spirituels. « Ils ont des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas », déplorent les prophètes de l’Ancien Testament. Laissés à nous-mêmes nous sommes incapables de voir l’œuvre de Dieu et d’entendre sa parole. Nous sommes spirituellement bouchés !
La grâce de Dieu ouvre nos yeux et débouche nos oreilles. La foi, don de Dieu, est une connaissance qui dépasse ce que notre raison est capable par elle-même de voir, de concevoir. Une connaissance qui, lorsqu’elle est réelle, a un impact concret sur notre vie. La béatitude éternelle consiste à voir Dieu, à voir Celui qui nous aime et à nous en réjouir. Pour cela des yeux nouveaux et une lumière nouvelle nous serons donnés, au-delà de la grâce de la foi. La tradition nomme cette lumière la lumière de gloire.
Enfin, que sommes-nous appelés à voir grâce à la lumière du Christ qui ouvre nos yeux ? Ici-bas, durant notre pèlerinage terrestre, la lumière de Dieu nous aide à discerner en quoi consiste notre bien véritable. Elle nous aide à voir au-delà de l’apparence, comme Samuel, dans la première lecture, que Dieu éclaire pour voir, au-delà de la prestance physique, la qualité du cœur de chacun des fils de Jessé.
Que le Seigneur ouvre les yeux de notre cœur, qu’il les illumine par sa lumière, afin que nous sachions le reconnaître dans ses œuvres et discerner le chemin qui conduit vers Lui.
Dimanche 12 mars 2023
3eme dimanche de Carême - A
Au début de l’évangile que nous venons d’entendre, saint Jean n’hésite pas à présenter Jésus fatigué. Jésus n’est pas un surhomme ni un demi-dieu. Il est pleinement homme et pleinement Dieu. En tant qu’homme, il a un corps fatigué par une longue marche. Mais sa fatigue n’est pas seulement physique : “Je vous ai envoyés moissonner - dit-il à ses disciples - là où vous ne vous êtes pas fatigués ; d’autres se sont fatigués et vous héritez de leur fatigue”. Jésus est fatigué de s’être dépensé à annoncer la Bonne nouvelle du Royaume de Dieu. Sa fatigue est celle du semeur dont peu de grains tombent dans la bonne terre. Jésus se heurte à l’incompréhension, à l’indifférence, à l’hostilité. Remarquons qu’il est seul, fatigué, assoiffé. Ses disciples sont (provisoirement) partis. Cette situation n’est pas sans analogie avec celle de la Croix. Jésus est fatigué par les cœurs endurcis et les esprits inintelligents. Ceux de son temps. Les nôtres aussi.
La femme de Samarie est elle aussi fatiguée. On le devine à son exclamation : “Seigneur, donne-moi de cette eau que je n’aie plus soif et que je n’aie plus à venir ici pour puiser.” Il est midi (la sixième heure) et le puits est profond. Tirer de l’eau devait être un labeur épuisant. On la sent aussi fatiguée par sa situation personnelle. Elle est habitée par une inquiétude religieuse : Quel est le lieu où Dieu doit être adoré ? Qui a raison, les juifs ou les samaritains ? On peut voir dans cette femme le symbole de l’humanité fatiguée : non seulement par le travail, depuis l’expulsion hors du jardin d’Eden, mais aussi et surtout par l’inquiétude et la désorientation spirituelle : “Ils m’ont abandonné, moi la source d’eau vive, et ils se sont creusés des citernes lézardées” (Jr 2, 13). La plainte du psalmiste est aussi la nôtre : “Dieu, mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau” (Ps 62, 2).
A l’initiative de Jésus, le dialogue se noue. Cette femme, cette samaritaine, est la première à qui Jésus dévoile explicitement qui il est : le Messie. Il est venu communiquer aux hommes l’Esprit Saint, “la source jaillissant pour la vie éternelle”. Plus loin, au chapitre 7, Jésus s’écriera : “Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l'Écriture : De son cœur couleront des fleuves d’eau vive” Saint Jean commente : “En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui” (Jn 7, 37-39).
L’Esprit Saint, nous dit saint Paul dans la deuxième lecture, est “l’amour de Dieu répandu dans nos cœurs”. Il est l’élément principal de la Nouvelle Alliance. Jésus inaugure un nouveau régime religieux dans lequel Dieu, reconnu comme Père, est adoré en esprit et vérité. Il n’est plus nécessaire de se rendre dans un lieu précis pour rendre un culte à Dieu. Dans l’Esprit-Saint, Dieu peut et doit être adoré en tout lieu. A chaque Eucharistie nous participons à l’offrande du Christ qui glorifie le Père et sauve le monde. En nous efforçant d’aimer Dieu et notre prochain dans la force de l’Esprit nous offrons à Dieu le culte véritable (cf. Rm 12, 1).
A la fin du dialogue toute trace de fatigue a disparu. La femme court au village annoncer qu’il y a là, près de la source de Jacob, un homme qui pourrait bien être le Christ. On pense à Marie-Madeleine, le matin de Pâques, qui court raconter aux apôtres qu’elle a rencontré Jésus ressuscité sous les traits d’un jardinier.
Jésus, lui aussi, ne montre plus la moindre fatigue. Il ne veut pas de la nourriture que ses disciples lui ont apportée. Sa nourriture est de faire la volonté de son Père. Il voit que les champs sont mûrs pour la moisson, autrement dit que l’humanité est prête à acceuillir la Bonne Nouvelle du salut et de la vie éternelle. L’accueil que lui offre le village de Samarie annonce la diffusion de l’évangile depuis Jérusalem jusqu’aux extrémités de la terre.
Quelles sont nos fatigues ? Elles peuvent être physiques, psychologiques, morales ou spirituelles. Il n’y a pas de honte ni de mal à être fatigué. Au plan spirituel, nous pouvons être guettés par la lassitude : nos efforts répétés, semblables à ceux de la samaritaine qui cherche l’eau au fond du puits, semblent ne produire aucun fruit. Tout est toujours à recommencer. Croyons dans le don de l’Esprit Saint, demandons-le au Seigneur sans relâche. Il nous redonnera des forces, il renouvellera notre énergie spirituelle, il deviendra en nous une source jaillissante, une source d’amour et de vie.
P. Jacques de Longeaux
Dimanche 5 mars 2023
2eme dimanche de Carême
L’événement de la Transfiguration est situé par saint Matthieu six jours après la première annonce de la Passion. Jésus a conduit ses disciples au nord du pays, à bonne distance du lac de Tibériade, au pied du mont Hermon, dans la région de Césarée de Philippe. C’est une sorte de retraite à l’écart (provisoire) des foules. Là Pierre confesse que Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant. Après quoi Jésus commence à montrer à ses disciples qu’il faut que le Fils de l’homme monte à Jérusalem pour y souffrir, être mis à mort et ressusciter le troisième jour. Il les prépare à ce qui va arriver : il sera un Messie souffrant, son triomphe ne sera pas à mesure humaine, mais à mesure divine. Pierre le prend à part et le réprimande sévèrement, ce qui lui vaut une vive réaction de Jésus : à travers Pierre, c’est Satan qui le tente de renoncer à la Croix. Pierre ne doit pas s’interposer entre Jésus et la mission qu’il doit accomplir. Six jours après, donc, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean et monte avec eux sur une haute montagne. C’est à ces mêmes apôtres qu’il demandera de l’accompagner à Gethsémani et auxquels il recommandera de veiller et prier. La haute montagne est une allusion au Mont Sinaï. La Montagne dans la Bible est le lieu de l’expérience de Dieu. Au sommet du Sinaï, dans la nuée, Dieu donne à Moïse la Loi. C’est vers le Sinaï qu’il appelle Elie pour lui parler dans le murmure d’une brise légère. Jésus est transfiguré devant ses disciples. Le rayonnement de son visage, la blancheur lumineuse de son vêtement sont la manifestation visible de la gloire de Jésus, autrement dit, de sa divinité. La nature divine de Jésus est ordinairement cachée sous le voile de son humanité. Elle transparaît seulement dans les signes que Jésus accomplit et dans l’autorité de sa parole. Mais ici, sur le mont de la Transfiguration, le voile est un instant levé pour Pierre et les deux frères, Jacques et Jean. C’est une vision du ciel qu’ils ont : Moïse et Elie s’entretiennent avec Jésus de sa montée à Jérusalem et de l’accomplissement de sa mission. Moïse représente la Loi ; Elie représente les prophètes. La Loi et les prophètes sont orientés vers l’Heure de Jésus. Ils l’ont annoncée ; ils l’ont préfigurée ; ils l’ont vue de loin, de manière encore indistincte. Voilà que l’heure de la réalisation est venue : le salut de l’humanité par la mort sur la Croix et la résurrection du Fils de Dieu qui s’est fait fils d’homme. La voix dans la nuée lumineuse – la voix du Père – désigne Jésus comme celui qui est « mon fils bien-aimé en qui je trouve ma joie ». Les trois apôtres vont bientôt plonger dans les ténèbres. Ils vont vivre l’angoisse et la tristesse de l’agonie à Gethsémani, et tout ce qui suivra. Pierre trahira, les autres s’enfuiront. Ils subiront les assauts du Tentateur. Le doute s’insinuera dans leur esprit : ce Jésus de Nazareth est-il vraiment le Messie ? S’il l’était Dieu ne l’aurait-il pas défendu ? Ne serait-il pas venu au secours de son élu, de son envoyé ? C’est alors que la mémoire de la voix entendue dans la nuée : « Celui-ci est mon fils bien-aimé en qui je trouve ma joie : écoutez-le », les empêchera de sombrer tout à fait. Il peut nous être donné à nous aussi – et ce n’est pas rare – de vivre une forte expérience de Dieu, une expérience mystique. Nous sommes alors effleurés, autant que nous pouvons le supporter, par le monde divin. Ce n’est pas donné à tout le monde. On peut être excellent chrétien sans avoir jamais expérimenté rien de tel. Seuls Pierre, Jacques et Jean étaient sur la Montagne. Pendant ce temps-là les neuf autres demeuraient dans la plaine. Il n’est pas rare que ceux à qui Dieu donne de vivre cette expérience lumineuse, inoubliable, bouleversante, soient ensuite plongés dans une longue nuit spirituelle dans laquelle ils ne sentent plus rien. De nombreux saints en ont témoigné (Thérèse de Lisieux, Mère Teresa). Il est probable que ce toucher divin dont ils ont bénéficié ait eu pour but de leur permettre de traverser des périodes sombres au plan spirituel dans lesquelles leur foi et leur espérance furent éprouvées. Pour nous tous nous demandons au Seigneur la grâce d’écouter sa parole et de la suivre, afin d’entrer un jour dans la lumière de Dieu. P. Jacques de Longeaux
Dimanche 26 février 2023
Les textes de ce premier dimanche de Carême mettent en correspondance le premier péché dans le jardin d’Eden – le péché originel – les trois tentations du peuple hébreu dans le désert pendant l’Exode et les trois tentations de Jésus dans le désert.
La principale leçon de ce récit est la suivante : Jésus va chercher le diable sur son terrain. Il accepte de subir la tentation – ces trois tentations qui résument et englobent toutes les tentations. Il est vainqueur pour son peuple Israël qui avait été vaincu dans le désert. Il est vainqueur pour l’humanité tout entière qui avait été vaincue en Adam et Ève, à l’origine.
La référence aux trois tentations d’Israël dans le désert est explicite dans les trois citations de la Torah que Jésus oppose aux ruses du diable.
La première tentation surgit de la peur de manquer lorsque le peuple se trouva dans le désert sans rien à manger. Il réclama à Moïse du pain. La réponse divine fut la manne. Pour repousser le tentateur, Jésus cite la Torah : « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Dt 8, 3). Le pain quotidien que nous demandons à Dieu dans le Notre Père est celui de sa Parole et de son Eucharistie.
La deuxième tentation est celle de vouloir mettre Dieu à l’épreuve : « Le Seigneur est-il au milieu de nous oui ou non » s’interroge le peuple à Massa et Mériba (Ex 17, 1-7). Il réclame un signe qui certifie que c’est bien Dieu qui l’a fait sortir d’Egypte, que c’est bien par amour qu’il l’a conduit au désert et non pour le détruire et que Dieu est bien toujours présent. « Vous ne mettrez pas le Seigneur votre Dieu à l’épreuve comme vous l’avez fait à Massa » prescrit le Deutéronome (Dt 6, 16). C’est la foi, c’est la confiance en Dieu maître de l’histoire, la nôtre comme celle du monde, qui nous opposons à la tentation de vouloir une preuve de sa présence, de son amour.
La troisième tentation est celle de l’idolâtrie. Le peuple réclame à Aaron un dieu qu’il puisse voir alors que Moïse a disparu depuis quarante jours sur les hauteurs du mont Sinaï (Ex 32, 1-6). L’idolâtrie revient à se prosterner devant Satan au lieu d’offrir un culte au Dieu unique, au Dieu vivant, au Dieu invisible, au Dieu au-delà de toute représentation. Le diable promet à Jésus une domination mondiale, une gloire internationale. La réponse est qu’il n’y a pas d’autre gloire que celle qui vient de Dieu. C’est en passant par l’humiliation de la Croix que Jésus sera intronisé roi de toute la Création.
Dans le récit du péché originel est mentionnée également une triple tentation puisqu’il est écrit que « la femme s’aperçut que le fruit de l’arbre devait être savoureux [tentation relative à la sensualité – ce que saint Jean appelle la « convoitise de la chair » (1 Jn 2, 16)], qu’il était agréable à regarder [ce que saint Jean appelle la « convoitise des yeux » (Ibid.) : le désir de paraître et de posséder, les jalousies, les rivalités, la curiosité] et qu’il était désirable, cet arbre, puisqu’il donnait l’intelligence [ce que saint Jean appelle l’« orgueil de la vie » (Ibid.) : le désir de s’égaler à Dieu par la science] » (Gn 3, 6).
Dans le Notre Père nous demandons : « ne nous laisse pas entrer en tentation ». Nous ne demandons pas seulement à Dieu d’être forts contre la tentation, de savoir lui résister, de ne pas y succomber. Nous lui demandons de ne pas entrer en tentation. Lorsque la tentation surgit, que Dieu nous aide à la repousser immédiatement sans lui prêter l’oreille ; que nous ne permettions pas à la tentation de s’insinuer en nous. Ou, comme le dit la Bible, que nous n’entrions pas dans la tentation. Que Dieu nous garde des tentations essentielles, celles qui attaquent notre foi, notre espérance, notre charité. Qu’il ne laisse pas les ruses du diable nous couper de Dieu en nous laissant penser que nous pouvons nous accomplir sans Dieu.
Le combat et la victoire de Jésus contre le tentateur au désert préfigurent et anticipent le combat et la victoire définitives de la Croix. Jésus a mené le combat pour nous afin que nous menions avec lui, courageusement, malgré nos chutes, le combat spirituel contre le péché et le mal, et que nous ayons part à sa victoire.
P. Jacques de Longeaux
Dimanche 19 février 2023
L’enseignement de Jésus que nous venons d’entendre est-il juste ? Il l’est, bien sûr, puisqu’il vient de Jésus. Il est l’expression certaine de la plus haute justice. Mais reconnaissons que cela ne va pas de soi : est-il juste de ne pas riposter au méchant et de tendre l’autre joue ? Est-il juste de donner mon manteau à celui qui réclame ma tunique, ou de faire deux mille pas au service de celui qui me réquisitionne pour en faire mille ? Est-il juste d’aimer ses ennemis et de prier pour eux ?
Ces paroles de Jésus – du moins celles sur la gifle, le manteau et la réquisition (celle sur l’amour des ennemis est d’une autre nature) – ne doivent pas être prises au pied de la lettre. Ce ne sont pas des préceptes, comme ceux d’une législation, mais de petites paraboles, c’est-à-dire des scènes suggestives dont l’objectif est d’inspirer la manière chrétienne de se conduire. En l’occurrence : comment nous conduire lorsque nous sommes en butte à la persécution, ou bien lorsque nous sommes pris dans un conflit au sujet de biens matériels ?
Que nous inspirent ces paraboles ? Qu’en situation de persécution où les chrétiens sont affrontés à des ennemis qui cherchent à les dépouiller et à les exploiter, leur attitude devrait manifeste que les véritables biens auxquels ils sont attachés ne sont pas de ce monde. Donc, si on en veut à ta tunique, qu’importe ! laisse ton manteau ! Si on te réquisitionne pour mille pas, qu’importe ! fais-en deux mille ! Ce sera pour tes persécuteurs un témoignage. Ils verront ce qui compte vraiment à tes yeux. Ils pensaient t’atteindre, te réduire, en s’attaquant à ce que tu possèdes. Ils réaliseront qu’ils n’ont pas prise sur toi de cette manière. Les biens auxquels tu tiens sont spirituels, ce sont les biens du ciel. Le seul qui peut te les ravir en te poussant à la révolte contre Dieu, c’est le diable. C’est lui seul que tu dois craindre : « Ne craignez pas – dit ailleurs Jésus – ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme : craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps » (Mt 10, 28).
Mais l’enseignement de Jésus ne se limite pas aux situations de persécution. Il a une portée générale. Il vaut pour tous les chrétiens. Il exprime la justice du Royaume de Dieu, c’est-à-dire la juste manière de se conduire lorsqu’on prend au sérieux l’évangile et que l’on s’ouvre à l’Esprit Saint, le Don de Dieu.
« Vous donc, vous serez parfaits, comme votre Père est parfait ». Jésus nous donne Dieu pour modèle. Il le peut parce qu’il nous communique l’Esprit de Dieu. Or, ce qui caractérise l’action de Dieu vis-à-vis de l’homme c’est le surcroît, c’est la surabondance. Le miracle de la multiplication des pains en est une illustration : Jésus ne calcule pas chichement ce qui est exactement nécessaire pour nourrir la foule. Il y en a plus, il y en a trop. Il est resté douze paniers pleins après que chacun a mangé à sa faim. La parabole du semeur ou le miracle de la pêche miraculeuse disent la même chose. L’amour de Dieu est généreux, il est surabondant, il déborde les limites, il n’entre dans aucun calcul.
Vous aussi, nous dit Jésus, vous êtes appelés à vivre cette générosité gratuite à l’image de Dieu, à sortir de la logique du donnant – donnant (vous savez : « nous les avons invités à diner, ils ne nous ont pas rendu l’invitation, nous ne les réinviterons pas »). Jésus nous appelle à dépasser l’étroitesse de l’amour calculé pour accéder à l’amour sans condition (celui des parents envers leurs enfants).
L’amour des ennemis aussi excède ce que préconise la sagesse humaine. Il relève de ce même surcroît qui caractérise l’amour divin. Il est naturel d’aimer nos amis, nos parents, nos proches (aimer, c’est-à-dire : vouloir le bien, venir en aide). Jésus nous enseigne à aimer de surcroît ceux qui nous sont étrangers, ceux même qui pourraient nous être hostiles, car eux, comme nous, sont créés par Dieu. Il ne s’agit aucunement de tolérance envers le mal, ni d’interdiction de se défendre, ni de refus de la justice, mais d’un regard porté sur la personne qui s’élève au point de vue de Dieu.
Demandons au Seigneur la grâce de l’amour généreux, de l’amour large. C’est la justice parfaite.
P. Jacques de Longeaux
Dimanche 12 février 2023
Homélie du dimanche 12 février 2023 6eme dimanche du TO – A Journée mondiale des malades
Ce dimanche, au plus près de la fête de Notre Dame de Lourdes plusieurs de nos frères et sœurs vont recevoir le sacrement de l’Onction des malades. Le fondement biblique de ce sacrement est un passage de l’épître de saint Jacques : « Si l’un de vous est malade qu’il appelle les presbytres de l’Eglise : ils prieront sur lui après lui avoir fait une onction d’huile au nom du Seigneur. Cette prière inspirée par la foi sauvera le malade : le Seigneur le relèvera et, s’il a commis des péchés, il recevra le pardon » (Jc 5, 14-15). Plus fondamentalement, ce sacrement, comme les six autres, est fondé sur la personne et les actions du Christ. Un sacrement, c’est une action du Christ Sauveur en notre faveur, pour notre salut. Durant les années de son ministère public, Jésus guérissait les malades. Cependant, il n’était pas un guérisseur, contrairement à ce que pensaient Les scribes et les pharisiens qui lui reprochaient d’opérer des guérisons le jour du Sabbat. Ils pensaient qu’il violait le commandement du repos sabbatique en exerçant son activité de guérisseur ce jour-là. Ils ne comprenaient pas le message et la portée des guérisons effectuées par Jésus. Jésus n’est pas un guérisseur, mais le Sauveur. Ses miracles signifient que les prophéties s’accomplissent, que le Règne de Dieu est inauguré parmi les hommes : les aveugles voient, les sourds entendent, les boiteux marchent, les morts ressuscitent. L’un des titres que la Nouveau Testament donne à Jésus est celui de médecin : « ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin d’un médecin, mais les malades. » La guérison que le Sauveur procure est de nature spirituelle. Il est venu guérir la plaie profonde, la plaie mortelle du cœur de l’homme, la blessure profonde par laquelle s’échappe notre énergie vitale. Son cœur transpercé sur la Croix, d’où s’écoulent le sang et l’eau est à la fois le signe de notre condition depuis le premier péché et le l’acte qui rend possible notre guérison. C’est cette guérison spirituelle radicale, c’est-à-dire qui purifie jusqu’à la racine de notre être spirituel, qui rend possible de vivre à la hauteur de l’enseignement moral que nous avons entendu dans l’évangile de ce dimanche. Sans ce changement du cœur de l’homme, qu’accomplit la grâce de Dieu, l’enseignement de Jésus serait hors de portée, inapplicable, utopique. Mais nous devons croire que nous pouvons, et devons, nous élever jusqu’à ce sommet de la vie morale par ce que nous en avons reçu la grâce par l’Esprit Saint qui nous a été donné. Le sacrement de l’Onction des malades donne la force de Dieu pour affronter l’épreuve de la maladie ou l’affaiblissement de l’âge. Il nous fortifie. Il nous conforte. La grâce de Dieu donne la paix. Elle peut avoir un impact sur le corps et nous apporter un mieux-être et même, parfois, la guérison physique. Mais ce n’est pas cela qu’il faut demander en premier. Ce qu’il fait d’abord demander et recevoir c’est la guérison intérieure. En subissant la Passion, le Christ a su ce que cela signifie d’être atteint dans son corps, de voir ses forces diminuer, d’être réduit à l’impuissance physique, de subir ce qu’on ne voulait pas, de devenir un patient, de ressentir l’angoisse de la mort. Nous croyons en un Dieu qui n’est pas étranger à la part de souffrance, de faiblesse, de vulnérabilité, de passion de notre existence. C’est pourquoi le Christ peut être présent avec nous dans nos maladies et nos infirmités, jusque dans notre mort pour nous ouvrir le chemin de la vie. Célébrons dans la foi et l’action de grâce ce beau sacrement de la miséricorde divine. Il comporte deux rites principaux : une imposition des mains, comme dans chaque sacrement, et une onction de l’huile des malades qui a été bénie au cours de la Messe Chrismale, le mercredi de la Semaine Sainte.
Dimanche 5 février 2023
Nous portons le souci de l’évangélisation, mais comment nous y prendre ? L’évangile de ce dimanche donne une réponse (ce n’est pas la seule) : « que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »
Méditons sur cette phrase. Remarquons tout d’abord la fin : « ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux ». Ce n’est pas à vous qu’ils rendront gloire. Ce n’est pas de vous qu’ils diront du bien. Mais c’est votre Père qui est aux Cieux qu’ils glorifieront ; c’est Lui qu’ils remercieront pour le bien que vous faites, pour l’homme de bien que vous êtes.
Ils savent que vous êtes disciples de Jésus et que vous appelez Dieu : « notre Père qui est aux Cieux ». Ils perçoivent que le bien que vous faites ne vient pas de vous mais qu’il est un don du Père des Cieux. Il est l’œuvre de l’Esprit que le Père, avec le Fils, vous envoie. Saint Paul ne dit pas autre chose dans l’épître de ce dimanche : « Mon langage, ma proclamation de l’Evangile, n’avaient rien d’un langage de sagesse qui veut convaincre ; mais c’est l’Esprit et sa puissance qui se manifestaient, pour que votre foi repose, non pas sur la sagesse des hommes mais sur la puissance de Dieu. »
Les hommes rendront gloire au Père des Cieux en voyant le bien que font les chrétiens. L’évangélisation ne passe pas seulement, ni même d’abord, par des paroles, même si l’annonce explicite de l’évangile, comme le faisait saint Paul, craintif et tremblant, est indispensable (cf. épître). Les paroles ne seront crédibles que si nos actes s’accordent avec ce que nous annonçons.
Dans les Actes des Apôtres, il est dit de Jésus : « Il a passé en faisant le bien ». Nous sommes appelés à faire de même. Certes, tout homme est capable de vouloir et de faire le bien, d’être bienveillant et bienfaisant. Mais le chrétien en reçoit particulièrement la mission, car il en a reçu la grâce et la force.
Nous avons reçu la grâce et la force de faire le bien sans compromission avec le mal, sans nous satisfaire d’un bien médiocre, d’un demi-bien, d’un bien mélangé avec le mal. Le monde sent cela, le monde sait cela. C’est pourquoi il est particulièrement sévère vis-à-vis des chrétiens qui se laissent aller à commettre le mal (le collègue médisant, le voisin casse-pied). Jésus nous avertit : si le sel devient fade, s’il se dénature, c’est-à-dire si notre religion n’est qu’apparence et qu’elle recouvre, en fait, des actes mauvais, honteux, alors nous serons rejetés et piétinés par le monde.
Ici, une question surgit. Jésus est passé en faisant le bien. Il a enseigné, guéri, pardonné, libéré, relevé. Or, au bout du compte, cela lui a valu d’être rejeté et condamné à la mort humiliante et terriblement douloureuse de la croix. De même les chrétiens qui, à la suite du Christ, ont vécu sérieusement l’évangile et ont cherché à aimer radicalement ont le plus souvent été moqués, rejetés, persécutés.
Pourquoi cela ? Sans doute, parce que leur comportement tranchait avec la manière de vivre et d’agir habituelle. Leur amour de Dieu et du prochain paraissait excessif, radical. Leur vie dérangeait. Elle dérangeait tous ceux qui vivaient un christianisme tiède, mondain, sans véritable amour de Dieu ni véritable recherche de la sainteté. Nous nous rappelons la dernière des huit béatitudes, entendue dimanche dernier : « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux »
Donc : cherchons à vivre comme le Seigneur nous le demande, en hommes justes qui s’efforcent de faire le bien. N’ayons pas peur de ne pas vivre, de ne pas penser, de ne pas agir comme tout le monde. N’en tirons aucun sentiment d’orgueil ni de supériorité : tout vient de Dieu, à Lui seul gloire et action de grâces. Réjouissons-nous si notre témoignage de vie conduit à Dieu ; ne nous décourageons pas si notre entourage paraît indifférent ou hostile. Rejetons toute espèce d’hypocrisie. Ne cherchons pas à être approuvés ; ne cherchons pas davantage à être critiqués : cherchons seulement à faire la volonté de Dieu.
P. Jacques de Longeaux
Dimanche 29 janvier 2023
Il est impressionnant de réaliser que ce dimanche, partout dans le monde, dans toutes les églises qui sont sur la terre et dans toutes les langues, ces mêmes paroles de Jésus sont proclamées. Cela est vrai de tous les dimanches : partout les mêmes textes sont lus. Mais je trouve cela particulièrement significatif, vu l’état actuel du monde, lorsqu’il s’agit des béatitudes. Elles sont adressées aux disciples, mais l’expérience montre qu’elles touchent le cœur de tous les hommes. Dieu veut le bonheur de l’homme, créé à son image. Dieu veut passionnément notre bonheur. Dans l’Ancien Testament, Dieu place Israël devant un choix : il y a une voie qui conduit au bonheur et l’autre au malheur ; une voie qui conduit à la vie et l’autre à la mort. Choisis la vie ! Choisis le bonheur ! dit Dieu. La voie du bonheur et de la vie est celle que tracent ses commandements. L’homme y apprend à dominer ses passions, ses pulsions, pour orienter leur énergie vers le bien. Le drame est que l’homme s’obstine à se détourner de ce chemin. En voulant satisfaire, au détriment d’autrui, sa soif de pouvoir, de possession et de jouissance, il répand le malheur au lieu d’atteindre le bonheur. Le bonheur dont il s’agit dans les béatitudes est celui de la vie éternelle : « entrer en possession du Royaume de Dieu » ; « être consolé » ; « recevoir la terre en héritage » ; « être rassasié » ; « obtenir miséricorde » ; voir Dieu » ; « être appelé fils de Dieu » sont autant de manières différentes de parler de la grâce de Dieu qui fait entrer en possession de la vie éternelle. Mais attention à une fausse interprétation selon laquelle il faudrait mener sur terre une vie terne et triste, être des losers aux yeux du monde, pour avoir part au bonheur éternel et jouir d’un renversement des situations. Ce n’est pas en ce sens qu’il faut comprendre les béatitudes ; ni l’oracle de Sophonie entendu en première lecture, sur le « peuple pauvre et petit » que Dieu dans sa colère a laissé subsister ; ni les propos, entendus en deuxième lecture, de saint Paul aux chrétiens de Corinthe qui leur fait remarquer qu’il n’y a pas chez eux beaucoup de sages aux yeux du monde, ni de gens puissants ou de haute naissance. La première des béatitudes, celle sur les pauvres de cœur, résume toutes les autres. Ou plutôt, les sept autres, déploient, explicitent la première. Être pauvre de cœur, ce n’est pas – évidemment – avoir peu de cœur ; ni être quelqu’un de faible, craintif, effacé, triste, ayant peur de vivre. Ce n’est pas du misérabilisme. La pauvreté de cœur, c’est la capacité, une fois devenu adulte, de recevoir, d’accueillir, d’écouter, de s’émerveiller, de faire confiance, comme un enfant. C’est le contraire de l’homme suffisant dans ses rapports à Dieu, comme dans ses rapports aux autres (on sait qu’il y a deux sortes d’hommes intelligents : ceux qui vous font passer pour idiots, qui vous écrasent ; ceux auprès de qui on a l’impression d’être intelligents, qui vous élèvent : ce sont des pauvres de cœur). Le pauvre de cœur sait reconnaître ses torts et demander pardon, au lieu d’être en permanence et systématiquement dans l’autojustification. Il sait aussi reconnaître ses points forts, ses talents et les faire fructifier. Il ne dénigre pas ; il ne se dévalorise pas. La pauvreté de cœur est la disposition spirituelle qui nous permettra lors de notre rencontre avec le Christ, au moment de notre mort physique, d’accueillir le don de Dieu : don de la vérité sur notre personne et notre vie ; don de la miséricorde. Chacun, quelle que soit sa position sociale, son niveau de responsabilité, peut recevoir de Dieu la grâce de la pauvreté de cœur. Le bonheur que promettent les béatitudes est celui de la vie éternelle, mais elles tracent aussi le chemin pour être heureux pendant notre vie terrestre. Cela vous paraît contradictoire avec : « heureux ceux qui pleurent car ils seront consolés » ? Mais les pleurs dont il s’agit sont ceux qui jaillissent d’un cœur qui se laisse toucher par la misère matérielle, morale, spirituelle, d’un cœur qui aime. Où se trouve le bonheur sur terre ? L’atteint-on en se fermant, en s’endurcissant, en se rendant indifférents ? Ou bien, au contraire, en demeurent sensibles, ouverts, vulnérables ? Oui, Seigneur, crée en nous un cœur de pauvre pour que nous pussions un jour recevoir les biens de la vie éternelle et que dès ici-bas nous menions une vie bonne et heureuse.
P. Jacques de Longeaux
Dimanche 15 janvier 2023
Homélie du dimanche 15 janvier 2023 2eme dimanche du Temps ordinaire - année A Lecture : Is 49, 3.5-6 ; Ps 39 ; 1 Co 1, 1-3 ; Jn 1, 29-34 Cette année, nous avons célébré le baptême du Christ un lundi (lundi dernier), de façon un peu confidentielle. Heureusement, la liturgie nous donne en ce deuxième dimanche du Temps ordinaire d’entendre à nouveau le récit du baptême dans le Jourdain. Lundi nous entendions la version de saint Matthieu, et ce dimanche celle de saint Jean. Elle est centrée sur le témoignage que Jean Baptiste rend à Jésus. En réalité, le baptême lui-même n’est pas raconté. L’évangéliste rapporte ce que Jean Baptiste dit de Jésus et ce qu’il dit avoir vu. Ce témoignage est double. Tout d’abord, Jean-Baptiste, voyant venir Jésus vers lui, déclare : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Cette parole nous est familière. Le prêtre la redit juste avant la communion en montrant à l’assemblée l’hostie consacrée, dans un geste qui rappelle celui de Jean Baptiste désignant Jésus. Peu avant, nous avons déjà invoqué Jésus comme « Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » dans le chant de l’Agnus Dei. Remarquons qu’il est dit : « qui enlève le péché du monde » et non « qui enlève le péché d’Israël ». Jésus est le véritable agneau pascal qui a donné sa vie sur la Croix pour que toute l’humanité soit libérée de l’esclavage du péché et ait accès à la véritable Terre promise, la Jérusalem céleste. Ainsi s’accomplit le salut universel dont Isaïe, dans l’oracle que nous avons entendu en première lecture, a tracé la perspective : « je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre ». Jean Baptise reconnaît en Jésus celui dont il avait prophétisé : « l’homme qui vient derrière moi est passé devant moi car avant moi il était ». Jésus est avant lui car, comme il est écrit dans le Prologue de l’évangile : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu » (Jn 1, 1-2). Jésus est le Verbe de Dieu fait chair. Jean Baptiste est le dernier de la lignée des prophètes bibliques. Jésus est celui qu’ils avaient annoncé et dont ils avaient préparé la venue. Les prophètes étaient les porte-parole de Dieu. Jésus est la Parole de Dieu en personne. Sa venue dans le monde conclut le temps de la prophétie et inaugure celui de l’accomplissement. Comment Jean Baptiste a-t-il reconnu que son cousin était « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » ? C’est la deuxième partie de son témoignage : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui ». Jean Baptiste est un prophète, il voit au-delà des apparences. L’apparence est celle d’une colombe ; la réalité, celle de l’Esprit-Saint. Or, Dieu lui avait dit : « Celui sur lequel tu verras l’Esprit descendre et demeurer celui-là baptise dans l’Esprit-Saint ». Le Baptiste conclut : « Moi, j’ai vu et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu ». Le baptême chrétien, celui que nous avons reçu, est un baptême dans l’eau et l’Esprit. Son rite central est d’être plongé trois fois de suite dans l’eau ou bien de recevoir trois fois de suite de l’eau sur la tête, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ce rite diffère des rites de purification des religions de l’humanité en ceci que – nous le croyons – l’Esprit Saint est communiqué au baptisé. Le don de l’Esprit-Saint, c’est Dieu qui vient habiter le cœur de l’homme, d’une présence agissante et transformante. Il nous transforme pour nous rendre intérieurement semblables à Jésus, pour faire de nous des fils à son image. Le don de l’Esprit-Saint c’est la vie de Dieu qui nous est communiquée. Le baptême d’eau et d’Esprit est une renaissance. Il fait de nous des êtres nouveaux. L’Esprit saint nous purifie radicalement de nos péchés. Il nous rend agréables à Dieu, il nous fait resplendir de la beauté de Dieu. L’Esprit- Saint nous introduit dans la communion d’amour qu’est Dieu ; il nous fait participer à joie divine. Tout cela n’est réalisé, au jour de notre baptême, qu’en germe. Ce jour-là, une graine a été semée, pour reprendre l’image évangélique. Elle est appelée à germer, à grandir, à se développer, à s’épanouir, à porter du fruit en abondance, déjà dans notre vie terrestre puis, au-delà de notre mort physique, dans la vie éternelle. Père Jacques de Longeaux
Dimanche 08 janvier 2023
“Où est le roi des juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui”. L’arrivée à Jérusalem des mages venus de l’orient lointain provoque un grand émoi. Le roi Hérode est bouleversé par ce qu’ils disent. Il comprend que ce “roi des juifs” est le Messie annoncé par les prophètes. Aussitôt, il voit en lui une menace, un adversaire, qui risque de priver ses propres enfants du trône. Il commence par convoquer les grands-prêtres et les scribes - c’est-à-dire les spécialistes de la Bible - pour qu’ils lui disent où le Messie doit naître.
La réponse se trouve dans le livre de Michée : à Bethléem, en terre de Juda, dans la ville de David. Il y envoie les mages en leur faisant promettre de l’informer du lieu précis où se trouve l’enfant afin qu’il aille à son tour se prosterner devant lui. On sait quelle est son intention meurtrière, comment la sainte famille y échappera et le massacre qu'il ordonnera lorsqu’il réalisera que les mages sont retournés chez eux sans être passés chez lui. Qui sont-ils, ces mages ? Ce sont des savants de leur époque. Ils possèdent la science des étoiles. Leur science n’est pas la même que la nôtre. L’objectif est différent. Nous cherchons à agrandir, dans toutes les directions, le périmètre de notre connaissance du monde. Nous voulons découvrir les lois qui régissent les processus que nous observons afin d’améliorer nos conditions de vie. Nous tentons de capter les énergies de la nature pour augmenter nos capacités, pour dépasser nos limites. Nous attendons des découvertes scientifiques qu’elles aient des applications techniques. Les mages, eux, scrutaient les étoiles parce qu’ils y lisaient des signes. Pour eux, elles étaient porteuses de messages sur le sens des événements présents, elles annonçaient les événements significatifs à venir. Les mages étaient les interprètes de ces signes adressés par le monde divin au monde humain. Un jour, ils ont vu une nouvelle étoile apparaître à l’orient. Ils ont eu la certitude qu’elle annonçait la naissance du roi des juifs attendus. Ils se sont mis en route vers cet enfant pour se prosterner devant lui et lui offrir de l’or, cadeau royal, de l’encens, que l’on offre à Dieu dans le culte du Temple, de la myrrhe, utilisé pour oindre les morts. Les mages ne sont pas juifs, ils sont païens, ce sont des étrangers, venus d’une contrée lointaine. Si saint Matthieu rapporte en détail leur venue vers l’enfant Jésus, c’est qu’il voit dans cet épisode l’annonce de l’adhésion à la foi chrétienne de nombreux peuples païens. Les mages sont les précurseurs de tant de chercheurs que leur quête de vérité et d’une vie bonne a menés jusqu’au Christ. Même si leur science n’est plus la nôtre, leur itinéraire nous intéresse.
Tout d’abord, ils n’ont été éclairés que par leur savoir humain. Tout au long de son pontificat, le pape Benoît XVI a défendu les droits de la raison dans la recherche de la vérité. L’homme se pose des questions fondamentales sur ce qu’il est, sur le sens de sa vie, sur le bien et le mal, sur Dieu. Notre culture a tendance à penser que la raison ne peut atteindre aucune vérité dans ces domaines. L’usage valide de la raison se limiterait aux mathématiques, aux sciences expérimentales et à leurs applications techniques. Dans le domaine moral et religieux nous serions livrés à l’affectivité et aux préjugés, il n’y aurait que des habitudes de penser et d’agir multiples et irréductibles. Benoît XVI, au contraire, a défendu ardemment l’importance et la légitimité de la raison dans la recherche du bien, du vrai, du beau, de Dieu. Mais la raison seule ne suffit pas pour arriver jusqu’au Christ. La révélation est nécessaire. C’est l’Ecriture sainte qui conduira les mages jusqu’à Bethléem, où ils retrouveront l’étoile qui leur indiquera la maison où se trouve Jésus. Notre connaissance n’est pas toute-puissante. La lumière de notre raison est insuffisante pour atteindre la vérité sur Dieu et sur nous-mêmes, sur ce que nous sommes et sur ce que nous devons faire.
Nous avons besoin du secours de la révélation. Les plus grands scientifiques reconnaissent que la science ne résout pas toutes les questions. Un moment vient où notre intelligence, sans renoncer à elle-même, doit humblement accepter de se laisser éclairer par une lumière qui vient de plus loin qu’elle, la lumière de Dieu qui se manifeste à l’homme dans la personne de Jésus (Epiphanie). C’est alors le temps de l’émerveillement, de la joie, de l’adoration. L’exemple des saints montre que plus l’on s'approche de Dieu, plus on le cherche. Pour connaître Dieu - et donc le chercher - ouvrons nos cœurs et nos esprits à la lumière de la foi, engageons-nous sur le chemin de la charité. Demandons au Seigneur, par l’intercession des mages, d’être d’infatigables chercheurs de Dieu.
Père Jacques de Longeaux