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LES HOMÉLIES

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Dimanche 29 janvier 2023
Homélie du père de Longeaux, curé de la paroisse

Il est impressionnant de réaliser que ce dimanche, partout dans le monde, dans toutes les églises qui sont sur la terre et dans toutes les langues, ces mêmes paroles de Jésus sont proclamées. Cela est vrai de tous les dimanches : partout les mêmes textes sont lus. Mais je trouve cela particulièrement significatif, vu l’état actuel du monde, lorsqu’il s’agit des béatitudes. Elles sont adressées aux disciples, mais l’expérience montre qu’elles touchent le cœur de tous les hommes. Dieu veut le bonheur de l’homme, créé à son image. Dieu veut passionnément notre bonheur. Dans l’Ancien Testament, Dieu place Israël devant un choix : il y a une voie qui conduit au bonheur et l’autre au malheur ; une voie qui conduit à la vie et l’autre à la mort. Choisis la vie ! Choisis le bonheur ! dit Dieu. La voie du bonheur et de la vie est celle que tracent ses commandements. L’homme y apprend à dominer ses passions, ses pulsions, pour orienter leur énergie vers le bien. Le drame est que l’homme s’obstine à se détourner de ce chemin. En voulant satisfaire, au détriment d’autrui, sa soif de pouvoir, de possession et de jouissance, il répand le malheur au lieu d’atteindre le bonheur. Le bonheur dont il s’agit dans les béatitudes est celui de la vie éternelle : « entrer en possession du Royaume de Dieu » ; « être consolé » ; « recevoir la terre en héritage » ; « être rassasié » ; « obtenir miséricorde » ; voir Dieu » ; « être appelé fils de Dieu » sont autant de manières différentes de parler de la grâce de Dieu qui fait entrer en possession de la vie éternelle. Mais attention à une fausse interprétation selon laquelle il faudrait mener sur terre une vie terne et triste, être des losers aux yeux du monde, pour avoir part au bonheur éternel et jouir d’un renversement des situations. Ce n’est pas en ce sens qu’il faut comprendre les béatitudes ; ni l’oracle de Sophonie entendu en première lecture, sur le « peuple pauvre et petit » que Dieu dans sa colère a laissé subsister ; ni les propos, entendus en deuxième lecture, de saint Paul aux chrétiens de Corinthe qui leur fait remarquer qu’il n’y a pas chez eux beaucoup de sages aux yeux du monde, ni de gens puissants ou de haute naissance. La première des béatitudes, celle sur les pauvres de cœur, résume toutes les autres. Ou plutôt, les sept autres, déploient, explicitent la première. Être pauvre de cœur, ce n’est pas – évidemment – avoir peu de cœur ; ni être quelqu’un de faible, craintif, effacé, triste, ayant peur de vivre. Ce n’est pas du misérabilisme. La pauvreté de cœur, c’est la capacité, une fois devenu adulte, de recevoir, d’accueillir, d’écouter, de s’émerveiller, de faire confiance, comme un enfant. C’est le contraire de l’homme suffisant dans ses rapports à Dieu, comme dans ses rapports aux autres (on sait qu’il y a deux sortes d’hommes intelligents : ceux qui vous font passer pour idiots, qui vous écrasent ; ceux auprès de qui on a l’impression d’être intelligents, qui vous élèvent : ce sont des pauvres de cœur). Le pauvre de cœur sait reconnaître ses torts et demander pardon, au lieu d’être en permanence et systématiquement dans l’autojustification. Il sait aussi reconnaître ses points forts, ses talents et les faire fructifier. Il ne dénigre pas ; il ne se dévalorise pas. La pauvreté de cœur est la disposition spirituelle qui nous permettra lors de notre rencontre avec le Christ, au moment de notre mort physique, d’accueillir le don de Dieu : don de la vérité sur notre personne et notre vie ; don de la miséricorde. Chacun, quelle que soit sa position sociale, son niveau de responsabilité, peut recevoir de Dieu la grâce de la pauvreté de cœur. Le bonheur que promettent les béatitudes est celui de la vie éternelle, mais elles tracent aussi le chemin pour être heureux pendant notre vie terrestre. Cela vous paraît contradictoire avec : « heureux ceux qui pleurent car ils seront consolés » ? Mais les pleurs dont il s’agit sont ceux qui jaillissent d’un cœur qui se laisse toucher par la misère matérielle, morale, spirituelle, d’un cœur qui aime. Où se trouve le bonheur sur terre ? L’atteint-on en se fermant, en s’endurcissant, en se rendant indifférents ? Ou bien, au contraire, en demeurent sensibles, ouverts, vulnérables ? Oui, Seigneur, crée en nous un cœur de pauvre pour que nous pussions un jour recevoir les biens de la vie éternelle et que dès ici-bas nous menions une vie bonne et heureuse. P. Jacques de Longeaux

Dimanche 08 janvier 2023

Homélie du père de Longeaux, curé de la paroisse

“Où est le roi des juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui”. L’arrivée à Jérusalem des mages venus de l’orient lointain provoque un grand émoi. Le roi Hérode est bouleversé par ce qu’ils disent. Il comprend que ce “roi des juifs” est le Messie annoncé par les prophètes. Aussitôt, il voit en lui une menace, un adversaire, qui risque de priver ses propres enfants du trône. Il commence par convoquer les grands-prêtres et les scribes - c’est-à-dire les spécialistes de la Bible - pour qu’ils lui disent où le Messie doit naître. La réponse se trouve dans le livre de Michée : à Bethléem, en terre de Juda, dans la ville de David. Il y envoie les mages en leur faisant promettre de l’informer du lieu précis où se trouve l’enfant afin qu’il aille à son tour se prosterner devant lui. On sait quelle est son intention meurtrière, comment la sainte famille y échappera et le massacre qu'il ordonnera lorsqu’il réalisera que les mages sont retournés chez eux sans être passés chez lui. Qui sont-ils, ces mages ? Ce sont des savants de leur époque. Ils possèdent la science des étoiles. Leur science n’est pas la même que la nôtre. L’objectif est différent. Nous cherchons à agrandir, dans toutes les directions, le périmètre de notre connaissance du monde. Nous voulons découvrir les lois qui régissent les processus que nous observons afin d’améliorer nos conditions de vie. Nous tentons de capter les énergies de la nature pour augmenter nos capacités, pour dépasser nos limites. Nous attendons des découvertes scientifiques qu’elles aient des applications techniques. Les mages, eux, scrutaient les étoiles parce qu’ils y lisaient des signes. Pour eux, elles étaient porteuses de messages sur le sens des événements présents, elles annonçaient les événements significatifs à venir. Les mages étaient les interprètes de ces signes adressés par le monde divin au monde humain. Un jour, ils ont vu une nouvelle étoile apparaître à l’orient. Ils ont eu la certitude qu’elle annonçait la naissance du roi des juifs attendus. Ils se sont mis en route vers cet enfant pour se prosterner devant lui et lui offrir de l’or, cadeau royal, de l’encens, que l’on offre à Dieu dans le culte du Temple, de la myrrhe, utilisé pour oindre les morts. Les mages ne sont pas juifs, ils sont païens, ce sont des étrangers, venus d’une contrée lointaine. Si saint Matthieu rapporte en détail leur venue vers l’enfant Jésus, c’est qu’il voit dans cet épisode l’annonce de l’adhésion à la foi chrétienne de nombreux peuples païens. Les mages sont les précurseurs de tant de chercheurs que leur quête de vérité et d’une vie bonne a menés jusqu’au Christ. Même si leur science n’est plus la nôtre, leur itinéraire nous intéresse. Tout d’abord, ils n’ont été éclairés que par leur savoir humain. Tout au long de son pontificat, le pape Benoît XVI a défendu les droits de la raison dans la recherche de la vérité. L’homme se pose des questions fondamentales sur ce qu’il est, sur le sens de sa vie, sur le bien et le mal, sur Dieu. Notre culture a tendance à penser que la raison ne peut atteindre aucune vérité dans ces domaines. L’usage valide de la raison se limiterait aux mathématiques, aux sciences expérimentales et à leurs applications techniques. Dans le domaine moral et religieux nous serions livrés à l’affectivité et aux préjugés, il n’y aurait que des habitudes de penser et d’agir multiples et irréductibles. Benoît XVI, au contraire, a défendu ardemment l’importance et la légitimité de la raison dans la recherche du bien, du vrai, du beau, de Dieu. Mais la raison seule ne suffit pas pour arriver jusqu’au Christ. La révélation est nécessaire. C’est l’Ecriture sainte qui conduira les mages jusqu’à Bethléem, où ils retrouveront l’étoile qui leur indiquera la maison où se trouve Jésus. Notre connaissance n’est pas toute-puissante. La lumière de notre raison est insuffisante pour atteindre la vérité sur Dieu et sur nous-mêmes, sur ce que nous sommes et sur ce que nous devons faire. Nous avons besoin du secours de la révélation. Les plus grands scientifiques reconnaissent que la science ne résout pas toutes les questions. Un moment vient où notre intelligence, sans renoncer à elle-même, doit humblement accepter de se laisser éclairer par une lumière qui vient de plus loin qu’elle, la lumière de Dieu qui se manifeste à l’homme dans la personne de Jésus (Epiphanie). C’est alors le temps de l’émerveillement, de la joie, de l’adoration. L’exemple des saints montre que plus l’on s'approche de Dieu, plus on le cherche. Pour connaître Dieu - et donc le chercher - ouvrons nos cœurs et nos esprits à la lumière de la foi, engageons-nous sur le chemin de la charité. Demandons au Seigneur, par l’intercession des mages, d’être d’infatigables chercheurs de Dieu. - Père Jacques de Longeaux

2022

Dimanche 18 décembre 2022 4e Dimanche de l'Avent

Première lecture (Is 7, 10-16) Psaume (cf. Ps 23, 7c.10c) Deuxième lecture (Rm 1, 1-7) Évangile (Mt 1, 18-24)

Homélie du Père Jacques de Longeaux, curé de la paroisse SPGC - D’après retranscription, relue et corrigée.

La liturgie de ce quatrième dimanche de l’Avent, dans l’ultime semaine de préparation à Noël, centre notre attention sur la personne de saint Joseph. Après saint Jean-Baptiste, c’est vers saint Joseph que nous nous tournons pour disposer nos cœurs à accueillir Celui qui vient, Celui que les prophètes avaient annoncé et dont ils ont préparé le chemin. Nous le savons, seuls saint Matthieu et saint Luc font le récit de l’origine et de la naissance de Jésus. Saint Luc se place du point de vue de Marie (l’Annonciation à Marie, la Visitation, l’adoration des bergers, la Présentation de Jésus au Temple). Saint Matthieu se place du point de vue de Joseph (l’annonce à Joseph, la visite des mages, la fuite en Egypte et le massacre des saints innocents, l’installation à Nazareth). Saint Joseph est qualifié d’homme « juste », c’est-à-dire qu’il avait une vie parfaitement accordée (ou ajustée) à la volonté de Dieu. Il était promis en mariage à Marie, mais les noces n’avaient pas encore été célébrées. À cette époque, en Israël, la promesse de mariage créait déjà un lien, plus fort que celui de nos fiançailles actuelles. C’est pourquoi le récit évangélique dit que Marie est déjà l’épouse de Joseph, même si elle n’est pas encore sa femme. Marie était sans doute encore jeune. Lorsque l’Ange du Seigneur est venu lui annoncer qu’elle serait la mère du Sauveur, elle ne menait pas encore vie commune avec celui qui était déjà son époux. Marie s’est certainement ouverte à Joseph de l’annonce de l’Ange et de son « oui » à elle. Elle lui a dit qu’elle était enceinte par la puissance de l’Esprit-Saint. Joseph forme alors le projet de la renvoyer en secret. On perçoit à cette occasion qu’il est un homme réfléchi. Il n’agit pas sur un coup de tête. Il prend une décision mûrement réfléchie, délibérée. Cette décision témoigne, selon saint Matthieu, de sa justice aux yeux de Dieu. En effet, Joseph sait que, pour tout Nazareth, l’état de Marie, s’il la répudiait publiquement, ne pouvait avoir qu’une seule explication : la jeune fille a « fauté », comme l’on disait autrefois. Joseph sait qu’il n’en est rien, que Marie ne peut pas s’être conduite ainsi. Il perçoit un mystère qui le dépasse. C’est pourquoi il ne veut pas la « dénoncer publiquement », ce qui aurait pu valoir à Marie d’être condamnée à la lapidation, comme le prévoyait la Loi. La « renvoyer en secret » est la manière que Joseph a trouvée de s’effacer devant cette maternité dont il n’est pas l’auteur, sans porter atteinte à la réputation de Marie. Il ne se comporte pas en propriétaire offensé de son épouse. Il la respecte infiniment. Il la protège contre une accusation infondée et une application stricte de la Loi. C’est un homme juste. L’Ange lui apparaît en songe et l’appelle à prendre chez lui son épouse. Il confirme que l’enfant que porte Marie vient de l’Esprit-Saint. Il lui commande de lui donner le nom de Jésus. Ce faisant, Dieu appelle Joseph à tenir sa place de père. Il n’est pas le père biologique de Jésus, mais il devra exercer pleinement la fonction paternelle. Marie enfante, Joseph nomme, c’est-à-dire enfante à la vie sociale en donnant une identité. Cet enfant sera connu comme Jésus, fils de Joseph, de la lignée de David. La suite du récit de l’enfance de Jésus, notamment l’épisode de la fuite en Egypte, montre que Marie pourra entièrement compter sur Joseph. Dans la sainte Famille, le plus important est Jésus, puis Marie. Joseph est à l’arrière-plan. Les évangiles n’ont retenu aucune de ses paroles. Mais en protégeant Marie et Jésus, en pourvoyant à leur subsistance par son travail, en leur assurant la sécurité nécessaire, en éduquant Jésus, il joue pleinement son rôle de père. Saint Joseph a beaucoup été prié dans l’histoire de l’Eglise, peut-être plus à d’autres époques qu’aujourd’hui. Il est le gardien de l’Eglise : nous pouvons le prier dans la période difficile que nous traversons. Il est également bon de l’invoquer lorsque nous avons des soucis de famille, de travail, de logement. Nous lui confions tous les pères de famille. Par-dessus-tout, en cette fin du temps de l’Avent, nous lui demandons de nous aider à accueillir Jésus dans nos vies. -Père Jacques de Longeaux

Dimanche 04 décembre 2022 3e Dimanche de l'Avent

Première lecture (Is 11, 1-10) Psaume (Ps 71 (72), 1-2, 7-8, 12-13, 17) Deuxième lecture (Rm 15, 4-9) Évangile (Mt 3, 1-12)

Homélie du Père Jacques de Longeaux, curé de la paroisse SPGC - D’après retranscription, relue et corrigée.

En ce dimanche de Gaudete nous nous préparons plus activement à accueillir la joie de Noël qui approche. Dans la Bible, ce qui est source d'allégresse, ce qui fait bondir de joie, c’est Dieu qui agit en faveur de son peuple pour le sauver, pour le libérer, pour le conduire. Nous l’avons entendu dans la première lecture – un oracle du prophète Isaïe : « alors le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie. Ceux qu’a libéré le Seigneur reviennent, ils entrent dans Sion avec des cris de fête, couronnés de l’éternelle joie. Allégresse et joie les rejoindront, douleur et plaintes s’enfuient. » Le prophète voit les exilés d’Israël et de Juda – nous sommes au 6e siècle avant Jésus-Christ – revenir à Jérusalem guidés par Dieu en un cortège triomphant, festif et joyeux. La réalité historique sera plus modeste, décevante même, si bien que cet oracle sera relu et interprété comme annonçant un autre salut, une autre libération d’un autre exil que celui de Babylone : le salut de l’humanité empêtrée dans son péché, son retour joyeux vers la maison du Père, hors du pays lointain où elle a cru trouver la liberté et où elle n’a fait que l’expérience de la misère. Cet oracle est-il aujourd’hui pleinement réalisé ? Oui et non. Non, si l’on considère que l’humanité n’est pas encore établie dans une joie sans partage – c’est le moins qu’on puise dire. Le mal est toujours là, bien présent. La violence n’a pas cessé. Nous souffrons toujours autant, semble-t-il, de cécité, de surdité, de mutisme et de paralysie spirituelle. Il nous est si difficile de voir les merveilles de Dieu, d’entendre sa parole, de proclamer sa louange et marcher à sa suite ! À tel point qu’il nous arrive de nous demander : au fond qu’est-ce que la naissance de Jésus et l’annonce de l’évangile ont vraiment changé dans le monde ? Le christianisme n’est-il pas une religion de plus qui répond au besoin religieux de l’homme (certains disent : qui a répondu), mais sans le changer véritablement ? La question que pose Jean-Baptiste au sujet de Jésus peut être aussi la nôtre : « es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » D’où l’importance, pour nous aussi, de la réponse de Jésus : « allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! » Jésus accomplit les signes du Royaume. Ses miracles signifient que le Règne de Dieu est inauguré parmi les hommes. Il l’est en sa personne. Puis, par sa mort et sa résurrection, et le don de l’Esprit, il s’étend au monde entier. Il s’établit chez toute personne qui s’ouvre à l’évangile par la foi. Donc, oui, la venue de Jésus accomplit l’oracle d’Isaïe, même si cet accomplissement n’est pas encore achevé, même s’il est en cours de réalisation. Nous n’avons pas à attendre un autre messie au-delà de Jésus, ni un autre paraclet au-delà de l’Esprit-Saint qu’il a communiqué le jour de la Pentecôte. Les cieux nouveaux et la terre nouvelle où règneront la justice et la paix dans l’amour et la vérité ne sont pas encore pleinement manifestés – c’est évident. Et pourtant, ils sont déjà là, comme une graine semée en terre et qui germe, comme du levain qui fait lever la pâte, comme une lumière qui éclaire l’obscurité – toutes images que Jésus emploie pour nous faire comprendre dans quel temps de l’histoire du salut nous nous trouvons. Nous nous apprêtons à fêter Noël. Le Fils de Dieu est venu parmi nous dans la petitesse de l’enfant de Bethléem et l’humiliation de la Croix. Il est la graine semée en terre qui doit mourir pour porter beaucoup de fruit. Nous sommes cette terre. Que le Seigneur conforte notre foi en Jésus. Il est le Sauveur que les prophètes avaient annoncé. Que notre foi soit source de joie, d’allégresse. Cette « joie de l’évangile » - evangelii gaudium – sous le signe de laquelle le pape François a placé son pontificat. -Père Jacques de Longeaux

Dimanche 04 décembre 2022 2e Dimanche de l'Avent

Première lecture (Is 11, 1-10) Psaume (Ps 71 (72), 1-2, 7-8, 12-13, 17) Deuxième lecture (Rm 15, 4-9) Évangile (Mt 3, 1-12)

Homélie du Père Jacques de Longeaux, curé de la paroisse SPGC - D’après retranscription, relue et corrigée.

« Voix de celui qui crie dans le désert » : cette expression qui vient d’Isaïe et qui est citée dans l’évangile de ce dimanche est devenue proverbiale. « Crier dans le désert », c’est s’épuiser à mettre en garde, à avertir, sans que personne n’y prête attention. À vrai dire, ce n’est pas tout à fait le sens du texte biblique. Dans le livre d’Isaïe, « une voix crie : ‘‘dans le désert, préparez le chemin du Seigneur’’ » (Is 40, 3). Le prophète annonce un nouvel Exode. Dieu vient libérer son peuple en exil à Babylone et le fera revenir sur sa terre, à Jérusalem. Pour cela des régions désertiques devront être traversées. Afin de faciliter ce chemin de retour, une chaussée sera tracée dans le désert, les montagnes seront abaissées, les ravins seront comblés. Au-delà de sa modeste réalisation historique (à la fin du 6eme siècle avant Jésus-Christ), cette prophétie s’accomplit au plan spirituel. C’est dans le cœur des hommes que Dieu vient. C’est pour l’accueillir que nous devons préparer son chemin. C’est la mission de Jean-Baptiste : préparer le peuple d’Israël à accueillir Dieu qui vient dans la personne de Jésus. Jean s’installe dans la région désertique qui borde le Jourdain. Il appelle ses contemporains à faire une démarche de pénitence et de conversion. Il annonce la venue de celui qui est plus fort que lui – nous comprenons qu’il s’agit du Messie – il ne s’estime pas digne de lui enlever les sandales (enlever les sandales d’un hôte à son arrivée des chemins poussiéreux et lui laver les pieds était le rôle attribué au dernier des domestiques ; c’est un geste semblable que fera Jésus à ses disciples au cours de la dernière Cène). Dans sa prédication, Jean Baptiste annonce la fin du temps de la patience de Dieu. Dieu est à bout de patience. Sa colère ne va pas tarder à s’abattre sur tous ceux qui sont obstinés dans l’injustice. C’est pourquoi, il est urgent de se convertir. L’appartenance au peuple élu, la fierté d’être de la race d’Abraham, ne suffira pas à protéger du jugement divin. D’ailleurs ceux qui commettent le mal sont plutôt de la descendance de l’antique serpent (« engeance de vipère ») que de la lignée d’Abraham. Ils ont beau être apparemment prospères, comme un bel arbre, ils seront coupés. Au jour du jugement, ils seront comme la paille balayée par le vent, alors que le grain sera engrangé. Le baptême dans le Jourdain est un signe de pénitence et de sincère volonté de changer de vie. Telle est en substance le message de Jean. Il est rude, il est sans concession, il n’admet pas de compromis, il vise une prise de conscience. On sait que Jean-Baptiste sera dérouté par la prédication et le comportement de Jésus. Celui-ci va manger avec les pécheurs au lieu de fulminer contre eux la condamnation divine. Jean enverra ses disciples lui demander : « es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? ». Nous entendrons cet évangile dimanche prochain. Je ne veux pas dévoiler la réponse dès maintenant… Je peux quant même dire que Jésus se présente plutôt comme un médecin qui guérit que comme l’instrument de la colère de Dieu qui condamne. Il n’admet pas plus le mal que Jean. Mais il est venu pour sauver l’homme pécheur, pour le soigner et le libérer. Sa venue est bel et bien un jugement, mais un jugement contre le premier auteur du mal, le diable ; un jugement qui fait la vérité sur nos comportements, qui nous appelle à accueillir la miséricorde divine et à nous engager résolument sur le chemin de l’amour de Dieu et du prochain. Pendant le temps de l’Avent, l’Eglise se met particulièrement à l’écoute des prophètes, ceux de l’Ancien Testament et du dernier d’entre eux Jean-Baptiste, l’homme du seuil. Nous avons besoin d’entendre la sévère prédication des prophètes, mais aussi la consolation qu’ils annoncent, car nous ne sommes pas encore pleinement établis dans le Royaume de Dieu. Dieu ne règne pas encore entièrement dans nos vies. Nous avons tendance à prendre prétexte de l’amour de Dieu et de sa miséricorde pour nous satisfaire de certaines imperfections, pour nous installer dans certains péchés, pour tolérer certaines injustices. Or Dieu nous appelle à la sainteté. Oui, n’ayons pas peur de nous laisser déranger, inquiéter par les prophètes bibliques, afin d’être en mesure d’accueillir la lumière qui vient. Souvenons-nous de ce qu’écrit saint Paul (2eme lecture de ce dimanche) : « Frères, tout ce qui a été écrit à l’avance dans les livres saints l’a été pour nous instruire, afin que, grâce à la persévérance et au réconfort des Ecritures, nous ayons l’espérance » -Père Jacques de Longeaux

Dimanche 27 novembre 2022 1er Dimanche de l'Avent

Première lecture (Is 2, 1-5) Psaume (Ps 121 (122), 1-2, 3-4ab, 4cd-5, 6-7, 8-9) Deuxième lecture (Rm 13, 11-14a) Évangile (Mt 24, 37-44)

Homélie du Père Jacques de Longeaux, curé de la paroisse SPGC - D’après retranscription, relue et corrigée.

Un thème domine les lectures de ce premier dimanche de l’Avent : celui de la vigilance. Réveillez-vous, sortez de votre sommeil, écrit saint Paul dans l’épître aux romains. Demeurez éveillés, tenez-vous prêts, soyez des veilleurs, dit Jésus dans l’évangile. Depuis quelque temps a surgi une nouvelle idéologie, nommée « wokisme ». Ça nous vient des Etats-Unis… « Woke » veut dire « éveillé ». Si j’ai bien compris, il s’agit pour les militants de ce mouvement d’éveiller toutes les personnes prisonnières, selon eux, de structures sociales injustes, mais qui ne s’en aperçoivent pas parce qu’elles ont intégrées leur situation qui leur paraît « normale ». Ces militants se fixent comme objectif de les éclairer, de les éveiller, de leur faire prendre conscience qu’elles sont injustement traitées et d’établir un autre ordre social, égalitaire, en subvertissant l’ordre ancien. Je ne vais pas me lancer dans une discussion – encore moins une polémique – sur le « wokisme ». Ce n’est ni le lieu, ni le moment. Mais cette idée de l’éveil m’a donné à réfléchir. N’y aurait-il pas, transposé sur un tout autre plan, non plus politique et social, mais spirituel, un « wokisme » chrétien ? Si nous en croyons la Bible, l’humanité est soumise à l’oppression du péché. Elle est collectivement enfermée dans la méconnaissance et le rejet de Dieu, incapable par elle-même de sortir de l’ornière dans laquelle elle est tombée en Adam. En réalité, nous ne nous rendons même pas compte que nous sommes aliénés (c’est-à-dire que notre condition actuelle, en dehors de la grâce, est autre que la vérité profonde de notre nature). La révélation biblique, depuis Abraham jusqu’à Jésus, nous réveille. Elle fait de nous des éveillés, « awoke ». La Parole de Dieu ouvre nos yeux. Elle nous montre que l’état actuel du cœur humain – je ne dis pas d’abord l’état actuel du monde, mais bien de notre cœur sujet à l’orgueil et à l’envie – n’est pas normal. Dieu nous éclaire sur la profonde injustice du péché. Il nous éclaire pour nous en libérer. Le Christ nous révèle notre être profond. Il nous éveille à ce que nous sommes et il nous communique l’Esprit-Saint pour le devenir. Nous avons été illuminés par la grâce du baptême. Nous devons rester vigilants, demeurer des veilleurs afin d’être prêts à accueillir Jésus lorsqu’il vient dans notre vie, lorsqu’il viendra dans la gloire. Jésus nous engage à combattre contre l’injustice du péché, à être des militants de la sainteté. Seule la sainteté est vraiment, radicalement, subversive. Elle s’oppose aux manières d’agir de l’homme pécheur, profondément gravées dans nos mentalités. Elle les dénonce par sa simple présence. La sainteté dérange, comme l’évangile dérange, car elle met en vive lumière la part d’obscurité qui reste en nous. Demandons au Seigneur la grâce d’agir en tout comme des fils de lumière, des fils du jour. Nous pourrions nous demander en ce début d’Avent : laissons-nous encore l’évangile nous déranger ? Et en quoi nous dérange-t-il ? N’y a-t-il pas des aspects de la prédication évangélique que nous préférons laisser de côté, que nous refusons ? Le temps de l’Avent est celui de l’attente désirante et de la préparation. Nous croyons en un Dieu qui vient habiter parmi nous en la personne de Jésus, un Dieu qui demeure en nous par le don de l’Esprit. Nous attendons le retour du Christ en gloire. Nous nous disposons à recevoir Celui qui vient. Jésus, dans l’évangile de ce dimanche, et saint Paul à sa suite, dans l’épître, nous exhortent à ne pas nous laisser absorber par nos tâches, par nos soucis, par nos projets, à ne pas nous laisser entraîner par nos envies de toutes sortes, au point d’oublier Dieu qui vient. Au point de ne plus l’attendre. Au point de le considérer, au fond, comme un gêneur. Le temps de l’Avent nous est donné pour réveiller notre attention à Dieu ; pour ranimer notre désir de Dieu ; pour que nous redoublions de vigilance. La mission des chrétiens dans le monde est d’être des veilleurs dans la nuit. Des veilleurs éveillés et non pas endormis. Un amoureux qui attend le retour de celle qu’il aime est animé d’un puissant désir de la revoir. Que le Seigneur nous fasse la grâce de désirer avec la même force le recevoir, le voir et lui être un jour uni. -Père Jacques de Longeaux

Dimanche 20 novembre 2022 - Fête du Christ Roi

Première lecture (2 S 5, 1-3) Psaume (Ps 121 (122), 1-2, 3-4, 5-6) Deuxième lecture (Col 1, 12-20) Évangile (Lc 23, 35-43)

Homélie du Père Jacques de Longeaux, curé de la paroisse SPGC - D’après retranscription, relue et corrigée.

On ne mesure pas assez la force de l’acte de foi de celui que la tradition appelle « le bon larron » : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume ». Il est crucifié à côté de Jésus. Il est, comme lui, condamné à la mort lente de la croix, compagnon de crucifixion. Il voit Jésus vaincu, fini, réduit à rien, humilié, détruit. Comment peut-il, à cet instant, dans ces circonstances, mettre toute sa confiance en lui et voir en lui le roi d’un royaume à venir ? Pilate a fait clouer sur le sommet de la croix un écriteau qui indique le motif de la condamnation : « Jésus de Nazareth, roi des juifs ». Ce n’est évidemment pas une profession de foi. C’est une moquerie, une manière pour le gouverneur romain de tourner en dérision le peuple de juif, de l’insulter. Le bon larron, lui, croit vraiment que Jésus est roi, d’un royaume qui doit advenir. Jésus lui répond : « Amen, je te le dis : aujourd’hui avec moi, tu seras dans le Paradis ». Cet « aujourd’hui » est important. Jésus est venu dans le monde pour annoncer une bonne nouvelle : « le Royaume de Dieu est tout proche ». Il n’est pas seulement pour plus tard ou pour l’au-delà. Il est déjà présent parmi nous. Il est présent dans la personne de Jésus, Dieu fait homme. Il est présent dans le cœur et la vie de tous ceux qui, par la foi, s’ouvrent à l’action de l’Esprit Saint que souffle sur eux Jésus ressuscité. Cependant, si le Royaume de Dieu est présent dans le monde, il n’est pas de ce monde. Il est une réalité du Ciel anticipée dans le temps de notre histoire terrestre. Il ne s’identifie à aucune société, à aucun régime politique, à aucun ordre légal. C’est la raison pour laquelle le christianisme ne vise pas à établir sur terre un régime théocratique, c’est-à-dire un régime politique dans lequel les religieux – clercs ou laïcs – imposeraient à toute la société une législation d’origine divine. Certains, en deux mille ans d’histoire du christianisme, ont été tentés de le faire. Il y eut des tentatives d’imposer la vertu par la force de la loi (Savonarole à Florence, par exemple, au 15eme siècle). Mais cela a toujours conduit à des dictatures. L’appel à la vertu s’adresse à la liberté. Certes l’Eglise défend et promeut la justice ainsi que la dignité de toute personne humaine, quelle que soit son origine, son sexe, son état de santé physique ou mental ou encore quel que soit son degré de développement et son âge, de la conception à la mort naturelle. Mais il ne s’agit pas, en l’occurrence, de lois religieuses spécifiquement chrétiennes. Tout être humain, quelle que soit sa religion, peut en reconnaître le bien-fondé. Il y a une loi religieuse spécifiquement chrétienne : le double et unique commandement d’aimer Dieu et son prochain à l’exemple du Christ, comme le Christ a aimé. La loi civile et pénale m’interdit d’assassiner mon voisin, même si le bruit qu’il fait m’est insupportable. Mais elle ne m’oblige pas à l’aimer. La loi évangélique, elle, m’appelle à aimer mon prochain, même désagréable (ce qui ne veut pas dire que je ne me défendrai pas en cas de nuisances, mais je le ferai d’une manière telle que le conflit ne dégénère pas en vengeance réciproque sans fin, qu’une réconciliation, une entente, une paix sincère restent possibles). La loi évangélique m’appelle même à aimer mes ennemis. C’est une loi morale ; ce n’est pas une loi civile. La tentation des chrétiens, notre tentation, est de couper notre vie en deux : d’un côté, la sphère privée, familiale, amicale, paroissiale, dans laquelle nous nous efforçons, vaille que vaille, de mettre en pratique l’évangile ; de l’autre, la sphère publique, principalement la vie professionnelle, dans laquelle nous nous conformons, sans critique, au cours habituel des choses. Or, si l’on ne peut s’attendre à voir le monde politique ou économique suivre à la lettre les prescriptions évangéliques sur l’amour des ennemis, le pardon des offenses soixante-dix fois sept fois ou le don désintéressé (le Royaume de Dieu n’est pas de ce monde), il n’en demeure pas moins que c’est la responsabilité des chrétiens de pénétrer d’esprit évangélique les structures économique et sociales, afin de les humaniser, de les adoucir, de les faire évoluer dans le sens du Royaume, c’est-à-dire dans le sens de la justice, de la fraternité, du juste usage des biens de ce monde – dont on réalise aujourd’hui qu’ils sont limités – de la réconciliation et de la paix. C’est la raison d’être de la doctrine sociale de l’Eglise. Le Royaume de Dieu n’est pas une réalité de ce monde, mais il y est présent, à la manière du levain dans la pâte ou du sel dans un aliment. Si le sel perd sa saveur, met en garde Jésus, il n’est plus bon à rien, on le jette dehors et les passants le piétinent. Nos communautés chrétiennes, qui vivent de la grâce du Baptême et de l’Eucharistie, ont reçu la mission d’être des signes du Royaume en donnant le témoignage d’une communion fraternelle dans le Christ, vivante, heureuse, ouverte à tous – une communion qui va au-delà de relations amicales entre gens qui se sont choisis. Que notre fête paroissiale, rendue possible grâce à l’engagement, à la générosité, aux multiples talents de tant d’entre nous, en soit l’illustration. -Père Jacques de Longeaux

Dimanche 06 novembre 2022 - 32eme dimanche du TO – année C

Première lecture (2 M 7, 1-2.9-14) Psaume (Ps 16 (17), 1ab.3ab, 5-6, 8.15) Deuxième lecture (2 Th 2, 16 – 3, 5) Évangile (Lc 20, 27-38)

Homélie du Père Jacques de Longeaux, curé de la paroisse SPGC - D’après retranscription, relue et corrigée.

Les sadducéens étaient une branche du judaïsme à l’époque de Jésus qui ne reconnaissait que l’autorité de la Torah (Pentateuque) – les cinq premiers livres de la Bible, attribués à Moïse, qui ensemble forment la Loi. Ils rejetaient la croyance à la résurrection individuelle des morts qui leur semblait une inacceptable nouveauté doctrinale. Il est vrai que cet article de foi n’est apparu que tardivement en Israël, à l’occasion des persécutions subies par les juifs religieux de la part du pouvoir grec. Au contraire, les pharisiens croyaient à la résurrection individuelle des morts (pas seulement à la résurrection collective du peuple) et à la vie éternelle. Les sadducéens inventent l’histoire de la femme aux sept maris pour moquer la foi de leurs adversaires. Jésus est interrogé à ce sujet. Il répond en se plaçant sur le terrain des sadducéens. Ceux-ci ne reconnaissent que l’autorité de la Torah. Fort bien : Jésus cite un verset de la Torah, tiré de l’épisode du Buissons ardent. Dieu s’y présente à Moïse comme le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Or, il est le Dieu des vivants et non des morts. C’est donc qu’Abraham, Isaac et Jacob, bien que morts et enterrés (on sait où se trouve le tombeau des patriarches à Hébron), sont individuellement vivants en Dieu. Nous ne croyons pas seulement à la survie de l’âme spirituelle après la mort physique, mais à la résurrection des morts. Notre foi est fondée sur la parole des apôtres et des saintes femmes qui ont témoigné de la résurrection de Jésus. Ce n’est pas un fantôme que les disciples ont vu le jour de Pâques, mais un être de chair qu’il était possible de toucher, dont le corps était marqué par les stigmates de la Passion et de la crucifixion, qui a mangé avec eux. Dieu nous a créés corps et âme. Notre condition corporelle n’est pas un malheur qui serait survenu, ni une punition qui nous aurait été infligée. Le corps n’est pas une prison dans laquelle l’esprit serait enfermé et dont il chercherait à s’évader. La matière n’est pas un trou obscur dans lequel une étincelle de lumière divine serait tombée et dont elle voudrait sortir. Nous sommes essentiellement, constitutivement, corps et âme. La promesse de la vie éternelle vaut pour toute notre personne et pas seulement pour une partie de nous-mêmes. Dit autrement : dans la vie éternelle nous serons toujours des êtres humains, nous serons pleinement humains. Nous ne changerons pas de nature. Nous ne deviendrons pas de purs esprits. Dans l’évangile que nous venons d’entendre Jésus affirme que « ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts (…) sont semblables aux anges ». Il ne dit pas : « deviennent des anges ». Ils sont semblables aux anges sur un point précis : « ils ne prennent ni femme ni mari car ils ne peuvent plus mourir ». Les anges ne se marient pas. Ils n’ont pas d’enfants. Il en sera de même pour les humains dans la vie éternelle. Le mariage institué en vue de la fondation d’une famille est un état de vie propre à notre condition terrestre. La raison en est, dit Jésus, que, ressuscités, nous ne mourrons plus. Nous comprenons que la résurrection n’est pas le retour à notre condition corporelle actuelle. La tradition chrétienne parle de corps glorieux à propos du corps ressuscité. Le corps glorieux c’est le corps devenu pur reflet de l’esprit, qui lui-même resplendit de la gloire divine. Le ressuscité est un être lumineux. Le charbon et le diamant sont composés des mêmes atomes de carbone. Pourtant l’un est opaque, l’autre, lorsqu’il est bien taillé et sans défauts resplendit sous la lumière. Il ne disparaît pas, comme le verre transparent. Au contraire, il scintille, il brille. C’est une image qui, personnellement, m’aide à comprendre le passage de notre corps de cet état-ci à celui de ressuscité dans la lumière divine. Le corps ressuscité ne sera plus sujet à la maladie et à la mort. Il demeurera sexué (différence avec les anges !) puisque Dieu nous a créés ainsi à l’origine. Nous serons pleinement hommes et femmes. Nous ne nous marierons pas, mais nous retrouverons en Dieu ceux que nous avons aimés. Nous les retrouverons dans une relation transfigurée, un amour fraternel pleinement réalisé. Nous verrons Dieu en Le contemplant sur le visage du Christ (cf. le refrain du psaume : « Au réveil, je me rassasierai de ton visage, Seigneur ». Alors se réalisera sa parole : « Qui m’a vu a vu le Père ». En le voyant, nous l’aimerons parfaitement. Cette vision et cet amour nous combleront. Notre joie sera parfaite. Telle est notre espérance fondée en Jésus-Christ. Efforçons-nous de mener notre existence terrestre en cohérence avec l’avenir qui nous est promis, en respectant le corps (le sien et celui d’autrui) destiné à ressusciter ; en privilégiant les valeurs de l’esprit ; en nous efforçant d’aimer comme Jésus nous l’a commandé. -Père Jacques de Longeaux

Dimanche 01 novembre 2022 - Homélie de la Solennité de la Toussaint 2022
Première lecture (Ap 7, 2-4.9-14) Psaume (Ps 23 (24), 1-2, 3-4ab, 5-6) Deuxième lecture (1 Jn 3, 1-3) Évangile (Mt 5, 1-12a)

Homélie du Père Jacques de Longeaux, curé de la paroisse SPGC - D’après retranscription, relue et corrigée.

La première lecture de cette fête de tous les saints est tirée de l’Apocalypse de saint Jean. Le mot « apocalypse » signifie non pas « destruction », « catastrophe », mais « révélation », « dévoilement ». Un coin du voile qui dérobe à nos yeux terrestres la vue des réalités du monde céleste est levé. Une image nous est donnée : celle d’une foule innombrable, venue de tous les horizons, d’hommes et de femmes en robe blanche – symbole de pureté – tenant chacun une palme à la main – symbole de victoire. Ce sont les saints. Ils ont suivi Jésus crucifié jusqu’au bout du don d’eux-mêmes. Ils sont sortis victorieux du combat contre le mal. Ils ont triomphé de la persécution. Ils sont demeurés fidèles à travers les épreuves. Ils sont issus de tous les peuples de la terre. Ils sont immensément nombreux. La sainteté est le succès du projet de Dieu pour l’homme. Elle est le fruit surabondant de la grâce divine. Les saints canonisés ne sont qu’une petite partie - la partie visible - du monde de la sainteté. Ils nous servent d’exemples, de guides, d’amis dans notre vie chrétienne. Mais la plupart des saints demeurent inconnus, sauf de leur entourage qu’ils ont éclairé de leur présence, mais aussi bousculé par leur vie évangélique. Les saints sont très divers. Tous les types humains sont représentés dans “l’immense cortège de tous les saints”. Ils ont cependant ceci en commun : leur désir de suivre le Christ, d’aimer en acte Dieu et leur prochain a été jugé excessif. Ils sont allés au-delà des convenances religieuses et sociales, au-delà des règles d’un christianisme confortable. Ils ont pris au sérieux la parole du Christ, ils ont cherché à suivre à la lettre ses enseignements (songeons à François d’Assise). Les voici rassemblés devant le Trône de Dieu. Ils goûtent la béatitude promise par Jésus aux pauvres de cœur, à ceux qui pleurent, aux doux, aux affamés et assoiffés de justice, aux miséricordieux, aux cœurs purs, aux artisans de paix, à ceux qui sont persécutés pour la justice du Royaume. Ils rendent gloire à Dieu qu’ils voient face à face après l’avoir cherché et aimé dans l’obscurité. Ils le louent d’une voix forte, ils rendent grâce à gorge déployée pour le salut que Dieu accomplit par Jésus-Christ, l’Agneau immolé. Ils ne sont pas seuls au ciel : autour du Trône il y a les quatre vivants, que la tradition chrétienne identifie aux quatre évangélistes, ainsi que les vingt-quatre anciens. On peut y voir les douze fils Jacob et les douze apôtres. Ils représentent le peuple de la première alliance et le celui de la nouvelle alliance unis pour louer et adorer Dieu. Et puis, tous les anges sont là. Ils se prosternent devant Dieu et chantent un cantique d’action de grâce : « Amen ! Louange, gloire, sagesse et action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu, pour les siècles des siècles ! Amen ! ». Ce qui se déroule devant nos yeux au ciel, c’est une liturgie, une action de grâce qui s’élève jusqu’à Dieu, un chant de joie, un hymne de reconnaissance. Nos célébrations eucharistiques sont un reflet de la liturgie céleste, une participation anticipée au culte que célèbrent les saints et les anges. Nos messes sont un moment de ciel sur la terre. Rassemblés autour de l’autel pour la célébration eucharistique, nous chantons le Dieu trois fois saint dont la gloire remplit le ciel et la terre et nous bénissons Celui qui vient en son nom. Chantons Dieu à pleine voix et non du bout des lèvres ! Que nos voix, que nos personnes soient unies au sacrifice d’action de grâce (à l’Eucharistie) de Jésus ! La messe sur terre, à l’image de la liturgie céleste, est une assemblée des saints. Nous sommes bien loin d’être des saints, direz-vous. C’est malheureusement vrai. C’est pourquoi nous avons encore besoin au début de chaque messe d’implorer le pardon de nos péchés. Et pourtant nous sommes déjà saints par la grâce du baptême, renouvelée à chaque fois que nous nous confessons. Dieu nous sanctifie pour que nous puissions lui offrir, dans l’Esprit, le culte véritable. A chaque messe nous recevons l’appel et le don de la sainteté. Puissions-nous vivre en cohérence avec ce que nous célébrons, pour goûter un jour la béatitude des saints et des anges. -Père Jacques de Longeaux

Dimanche 30 octobre 2022 - 31e dimanche du temps ordinaire
Première lecture (Sg 11, 22 – 12, 2) Psaume (Ps 144 (145), 1-2, 8-9, 10-11, 13cd-14) Deuxième lecture (2 Th 1, 11 – 2, 2) Évangile (Lc 19, 1-10)

Homélie du Père Jacques de Longeaux, curé de la paroisse SPGC - D’après retranscription, relue et corrigée.

Le célèbre épisode de Zachée de que nous venons d'entendre nous conduit à méditer quelques minutes sur le pardon Le pardon chrétien pose question. Certains le refusent car ils rejettent la réalité du péché. Selon eux, le pardon serait humiliant et culpabilisant. Pour être pardonné il faudrait d'abord se reconnaître pécheur - ce qu'ils récusent. Le pardon chrétien peut être également contesté par les victimes d'une grave atteinte à leur personne ou à leurs biens, par ceux qui ont été gravement trahis ou dont un proche a été la victime d'un crime. Le pardon leur semble trop facile. Leur agresseur leur semble trop aisément absous, blanchi du mal qu'il a commis, les laissant, eux, avec le poids de leur blessure, de la peine de leur vie gâchée, meurtrie. Ils ne supportent pas l'injonction qui leur est faite de pardonner, d'oublier, de passer l'éponge. Mais est-ce cela le pardon que Jésus nous donne ? Regardons son attitude vis-à-vis de Zachée. Zachée est un pécheur. C'est ce que disent tous ceux qui sont venus voir Jésus et assistent à la scène. Il a acheté à l'autorité romaine la charge de collecteur d'impôts à Jéricho. Il tire un bénéfice personnel de sa position. Il s'enrichit au détriment des contribuables en percevant plus que ce qu’exigent les Romains puis en gardant la différence pour lui. On comprend qu'il ne soit pas populaire ! Jésus le voit, ridiculement juché sur son sycomore (un notable ne grimpe pas aux arbres comme un gamin !). Jésus est le Sauveur. Il est venu en ce monde pour sauver ce qui était perdu, pour la conversion des pécheurs. Car Dieu aime tous les hommes et ne veut pas qu'un seul d'entre eux se perde. C'est pourquoi Jésus va vers Zachée. Il s'arrête, le regarde, lui adresse la parole et demande à aller loger chez lui. Nous comprenons que le pardon de Dieu est le rétablissement d'une relation qui a été blessée, parfois rompue, par notre faute. Dieu ne nous enferme pas dans le mal que nous avons commis sans possibilité d'en sortir, sans avenir envisageable. Il ne désespère de personne. Il n'identifie pas le pécheur à l'acte mauvais dont il s'est rendu coupable. Il ne dit pas au sujet de Zachée, comme le fait la foule : « tu n’es qu’un publicain, un pécheur ». Il dit : « lui aussi est un fils d'Abraham ». Il en va de même à notre niveau. Pardonner les offenses comme Dieu nous a pardonné, c'est permettre un avenir à la relation en ne restant pas bloqué sur la blessure reçue. Pardonner, c'est se libérer du ressentiment, des reproches sans fin, du désir de vengeance. C'est être pacifié. Bien souvent, ce chemin de pardon paraît au-dessus de nos forces. Mais la grâce de Dieu peut le réaliser. Dans tous les cas, le pardon n'est pas la négation de ce qui s'est produit. Le mal commis et subi n'est pas effacé, il est surmonté. La démarche du pardon n'entraîne pas le déni de justice. Au contraire, nous voyons dans le cas de Zachée que l'attitude du Christ le conduit à réparer ses torts. Il va plus loin encore puisqu'il s'engage à donner la moitié de ses biens aux pauvres. Le pardon produit en lui une prise de conscience et un changement de vie. Le pardon et la justice ne se situent pas sur le même plan. Le premier se situe au plan de la relation avec Dieu avec autrui. La seconde se place au niveau de la reconnaissance et de la réparation du mal commis. Satisfaire aux obligations de justice fait partie, bien souvent, du chemin de rédemption que permet le pardon. Où nous plaçons-nous spontanément lorsque nous méditons sur cet épisode : du côté de la foule qui juge Zachée et récrimine contre la miséricorde du Christ ou bien nous reconnaissons-nous dans Zachée, pécheur, qui rencontre le Christ et le reçoit chez lui plein de joie ? -Père Jacques de Longeaux

Dimanche 23 octobre 2022 – 30e Dimanche du Temps Ordinaire – Année C

(Si 35, 15b-17.20-22a ; Ps 33 (34), 2-3, 16.18, 19.23 ; 2 Tm 4, 6-8.16-18 ; Lc 18, 9-14)

Homélie du Père Jacques de Longeaux, curé de la paroisse SPGC - D’après retranscription, relue et corrigée.

« Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L'un était pharisien et l'autre publicain. » Les prières de ces deux hommes sont les deux grandes sortes de prières de l'homme biblique. L'action de grâce, d'une part : « mon Dieu je te rends grâce ». C'est ainsi que commence – et que commence très bien – la prière du pharisien. Le verbe grec traduit par « je te rends grâce » a donné notre mot « Eucharistie ». L'Eucharistie que nous célébrons est action de grâce. L'autre sorte de prière est la supplication. C'est celle du publicain : « mon Dieu montre-toi favorable au pécheur que je suis ». Littéralement : « soit propice à moi pécheur ». Ces deux sortes de prières - action de grâce et supplication - sont rassemblées dans la célébration de la Messe. Le moment le plus important de la messe est la prière eucharistique dite par le prêtre. Prière eucharistique, c'est-à-dire action de grâce. Cette action de grâce est celle du Christ. Il s'unit son corps l'Eglise, si bien que l'action de grâce du Christ est aussi celle de l'Eglise. Pour quoi rendons-nous grâce à chaque célébration eucharistique, à chaque messe ? Certainement pas, comme le fait le pharisien de la parabole, pour une supposée supériorité que nous aurions sur les autres hommes. L'action de grâce du pharisien est faussée, elle est pervertie, car il se met lui-même au centre. Il se croit juste ; il étale son mépris pour ceux qu'il traite de pécheurs ou d'impies ou de mécréants. Au contraire, dans la prière eucharistique, nous rendons grâce pour le projet de Dieu, pour ce que Dieu a accompli en notre faveur. C'est l'objet de la Préface, la partie de la prière eucharistique qui est conclue par le chant du Sanctus. La liturgie propose de nombreuses préfaces différentes pour chaque période de l’année liturgique. À chaque fois Dieu est loué pour l'un des aspects de son œuvre. Ce dimanche, par exemple, j'ai choisi la 5e préface des dimanches du Temps Ordinaire, dans laquelle nous exprimons notre reconnaissance à Dieu pour la création et pour la mission qu'il a confiée à l'homme, créé à son image, dans la création. Mais au-delà des paroles, l'Eucharistie de Jésus c'est, d'abord et avant tout un acte : l'acte d'amour suprême qu'il a accompli en offrant sa vie sur la Croix pour libérer l'humanité du péché et de ses conséquences : violences, souffrances et mort. L'unique sacrifice de la Croix – l’Eucharistie de Jésus – est rendu présent dans chacune de nos messes. Au sommet de la prière eucharistique, le prêtre prie le Père d'envoyer son Esprit sur le pain et le vin pour qu'ils deviennent le Corps et le Sang de Jésus. Puis le prêtre prononce les paroles que Jésus a dites au cours de la dernière Cène. Le pain et le vin deviennent son corps livré et son sang versé ; son corps et son sang ressuscités. Nous sommes ainsi, à chaque messe, intimement, vitalement, unis à l'action de grâce de Jésus. La prière chrétienne est aussi supplication. Elle est bien présente dans la liturgie de la messe. Humblement nous nous reconnaissons pécheur et nous implorons la miséricorde de Dieu. Nous le faisons au début de la messe, mais aussi dans la prière de l’« Agneau de Dieu », et à d’autres moments encore. Nous ne nous résignons pas à notre péché. Il nous attriste profondément. Nous en demandons pardon à Dieu, comme le publicain de la parabole. Nous demandons à Dieu la grâce d'en être libérés et la force de le combattre. La prière de l'Église – exemplairement, celle de la messe – inspire notre prière personnelle. Qu’elle soit reconnaissance à Dieu, action de grâce et louange pour ce qu'Il accomplit en notre faveur ; qu’elle soit aussi supplication pour nous-mêmes et pour notre monde, appel à Dieu qui seul peut nous sauver et nous élever. Père Jacques de Longeaux le 23/10/22

Dimanche 9 octobre 2022 – 28e Dimanche du Temps Ordinaire – Année C

(- 2 R 5,14-17 ; Ps 97,1-4 ; 2 Tm 2,8-13 ; Lc 17,11-19)

Messe pour le bicentenaire de la paroisse de Saint-Pierre du Gros-Caillou (7e)

Homélie de Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris - D’après transcription, relue et corrigée.

Le général syrien Naaman avait été guéri à l’époque du prophète Elisée, IXe siècle avant Jésus, en faisant simplement un bain dans le Jourdain, ce qui lui avait paru insuffisant, mais comme il avait été guéri de la lèpre, que sa peau était redevenue comme la peau d’un enfant, le voilà qui exulte de joie d’avoir été guéri et qui ne se contente pas d’être satisfait d’être guéri pour pouvoir reprendre sa place et son autorité, probablement, dans l’armée. Mais aussi le voilà qui exulte de joie à cause de celui qui lui a permis d’être guéri, du serviteur de Dieu Elisée, et, à cause de celui qui manifestement a obtenu cette guérison, le Dieu d’Elisée. C’est une très belle expérience que nous comprenons bien, nous nous disons : voilà un homme qui sait remercier, voilà un homme qui sait rendre grâce et voilà un homme qui ne s’arrête pas simplement aux bienfaits qu’il a reçus mais qui se tourne vers celui grâce à qui il a reçu ce bienfait. Il sait de qui il tient sa guérison, le Dieu d’Elisée. Et maintenant c’est lui qu’il veut honorer, c’est à lui qu’il veut rendre la reconnaissance cultuelle, c’est à lui qu’il veut offrir des sacrifices, c’est ce Dieu-là qui l’a sauvé, il en est heureux, joyeux, reconnaissant, désormais il sait que c’est à lui qu’il peut faire confiance pour le reste de sa vie - dont on ne parlera pas d’ailleurs, mais on le suppose, on le croit vrai. Ce qui veut dire que la foi commence par un émerveillement, la foi commence comme un acte de reconnaissance, comme un acte vivant, de retour vers celui qui procure la vie, la croissance et l’être, comme il sera dit autrement et plus tard. C’est lui qui procure les bienfaits de l’existence, c’est à lui donc que l’on rend un culte joyeux, parce qu’on a fait cette expérience d’avoir été touché par lui. La foi commence par un émerveillement. C’est évidemment la même histoire qui se passe dans le récit évangélique que nous avons eu aujourd’hui, que nous avons entendu aujourd’hui, il est clair que pour que cet étranger, ce Samaritain, il ne s’arrête pas au fait simplement d’avoir été guéri mais il retourne vers celui grâce à qui il a été guéri. Et il rend gloire à Dieu, dit le texte, c’est un émerveillement aussi. Insistons un peu, les neuf autres ils ont bel et bien été guéris et ils ne sont pas de mauvaises personnes mais simplement ils s’arrêtent probablement au fait que grâce à cette guérison de la lèpre qui les mettait à l’écart de la communauté et qui les faisait considérer comme déjà presque morts, les voilà de nouveau vivants, les voilà de nouveau attachés à une communauté, ils peuvent en faire partie. Et c’est déjà beau, c’est déjà bien. Bien sûr il y a une question de temporalité. On peut imaginer que ce récit se répand sur plusieurs jours parce que pour faire reconnaître par les prêtres que l’on est guéri de la lèpre il faut certainement être d’abord mis à l’écart pendant quelques jours - on ne sait plus si on dit en quarantaine, en quatorzaine ou en huitaine, peu importe. On est mis à l’écart pendant quelques jours pour bien vérifier que la maladie a disparu. Donc ils sont heureux tout simplement d’être guéris et de pouvoir repasser de la mort à la vie, d’être au milieu d’une communauté qui les accueille, qui peut ressembler à une communauté comme la nôtre ce matin, qui retrouve la joie d’accueillir des personnes qui éventuellement auraient pu être oubliées ou avoir été mises de côté. Mais le dixième il fait autre chose, il découvre qu’il y a un lien qui s’est créé entre lui et Jésus. Il découvre qu’il y a une vraie occasion nouvelle pour lui d’être vivant, non pas simplement membre d’une communauté mais vivant pour Dieu, vivant devant Dieu, devant le Christ. C’est une action de grâce, la foi commence comme une action de grâce, la foi commence par un émerveillement. Cela continue avec saint Paul. Saint Paul, il ne lui suffisait pas - à un moment donné de sa vie -, que sa vie soit fidèle aux prescriptions de sa religion, de sa foi. Il ne suffisait pas qu’il soit fidèle, il a été lui aussi touché dans une rencontre par le Seigneur. Le Seigneur Jésus qui lui a dit, qui lui a fait comprendre que le respect des règles extérieures ne suffit pas et que la relation d’amour, la relation de joie avec le Seigneur est bien la plus importante. Pour Paul aussi la foi commence avec l’émerveillement devant le Seigneur qu’il était en train de combattre, et voilà pourquoi il peut dire à Timothée : « Souviens-toi de Jésus-Christ dans toutes les circonstances de ta vie » ; « Si nous souffrons avec lui, avec lui nous régnerons. » Saint Paul comprend qu’il y a eu un avant et un après. Il y a eu un moment où il a exulté de joie à la rencontre du Seigneur, il y a eu un moment où les yeux lui ont été ouverts, les yeux du cœur lui ont été ouverts et il a compris que le plus important c’était cette relation de foi, de confiance au Seigneur qui s’était révélé à lui. Et voilà pourquoi il peut avancer, marcher d’un pas ferme et sans oublier Jésus-Christ qui est au point de départ de sa démarche croyante. C’est ce qui nous arrive à nous. Bien sûr dans une communauté qui fête d’abord ses retrouvailles de début d’année, et aussi les deux cents ans de la première pierre de cette église après qu’elle avait été détruite dans les années antérieures, à la fin du XVIIIe siècle. Une communauté heureuse de se retrouver, mais une communauté qui le fait dans le souvenir vivant de Jésus qui est le fondement de ce qu’elle a à vivre, qui est le fondement de sa foi et de sa réunion. Nous ne sommes pas simplement contents et nous ne sommes pas là simplement pour nous congratuler de deux cents années pour une telle église, une telle communauté. Mais nous sommes là pour nous dire : c’est le Christ qui nous a réunis, c’est la foi qui nous réunit, c’est l’action de grâce pour ce que Dieu fait dans ce monde et qui nous touche nous qui sommes ici. Et nous le faisons non pas simplement par un rassemblement mais par une eucharistie qui est l’action de grâce par excellence. Nous le faisons dans la joie d’une eucharistie qui est la mémoire de l’offrande du Christ pour nous et pour tous les hommes, nous le croyons. Nous comptons donc bien sur ce temps que nous vivons de l’eucharistie, nous comptons bien que c’est dans la dévotion que vous avez - et qui se vit à travers l’adoration eucharistique dans cette église-, que vous vivez cette joie de la relation avec le Seigneur qui est votre véritable, notre véritable action de grâce pour tout ce qu’il fait chez nous, en nous, autour de nous et dans le monde. Quelles que soient les circonstances auxquelles nous sommes affrontées, et Dieu sait qu’il y en a qui ne sont pas faciles dans la vie du monde d’aujourd’hui - comme cela n’a jamais été facile dans les époques ultérieures -, à travers toutes les circonstances, de joie et de souffrance, de difficultés et au contraire de réalisations de projets, nous rendons grâce à Dieu. Nous sommes joyeux d’avoir été touchés par lui, nous lui demandons de rester toujours éveillés et dans l’action de grâce, et heureux de pouvoir participer au don de lui-même que nous vivons dans l’eucharistie. Que le Seigneur nous donne cette force jour après jour de repartir de lui toujours, comme disait le pape Jean-Paul II. Nous repartons du Christ, c’est-à-dire que nous nous retournons vers lui et nous nous disons que nous allons avancer dans l’existence sans jamais lui lâcher la main qu’il nous tend. Homélie de Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris - 9/10/22

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